L'action sociale en 2013 : quels enjeux ?

Comme tous les gouvernements depuis plus de trente ans, l’actuelle équipe est confrontée à une tension aussi forte que durable entre des contraintes budgétaires qui orientent les moyens à la baisse et la prévalence des problèmes sociaux qui, au contraire, joue à la hausse.

Cette tension est accentuée à la fois par les acteurs qui opèrent des pressions importantes (autisme, vieillissement des personnes handicapées..) et par une opinion publique pas prête à accepter que soit totalement délaissées des populations fussent-elles marginales (SDF par exemple).

Reste qu’à cette tension s’en ajoute une seconde. En effet, dans leurs diverses déclarations, les ministres dits « sociaux » et même le premier ministre ont affiché trois principes d’action qui, potentiellement, sont de nature à marquer une rupture avec les logiques des décisions antérieures.

Tout d’abord, est affirmée la nécessite de trouver des ressources nouvelles tout en privilégiant la solidarité nationale, c'est-à-dire en excluant, ou tout au moins en relativisant le recours à des fonds privés et notamment à l’assurance. Ensuite, apparaît l’idée que, en définitive, les problèmes que posent l’action sociale nécessitent un effort de la société sur elle-même à la fois pour prévenir les processus d’exclusion et pour faciliter l’inclusion quelles que soient les difficultés des personnes. Ceci a été clairement exprimé lors de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion. Pour le premier ministre, il faut, pour cela, mobiliser toutes les politiques publiques et pas seulement celles qualifiées de « sociales ». De même la ministre chargée des personnes âgées veut que la société s’adapte aux processus de vieillissement. Cette volonté d’amener les grandes fonctions d’intégration (école, logement, urbanisme, formation, emploi…) était déjà énoncée lors de la loi contre les exclusions en 1998 ou celle sur le handicap en 2005. Mais il y a manifestement une volonté d’amplifier et de généraliser la logique. Enfin, ces deux grandes approches s’inscrivent dans une vision renouvelée de la solidarité, que les pouvoirs publics veulent amplifier, encourager, soutenir à tous les niveaux et notamment dans des espaces de proximité.

Certes, l’on peut toujours dire qu’il ne s’agit, pour le moment que de discours, même s’il y a déjà quelques inflexions pour certaines politiques (logement par exemple). C’est vrai, mais cela ne permet pas d’en disqualifier a priori ni le contenu ni les intentions. Par contre, il conviendra d’être attentif à leurs déclinaisons et la gestion des temps.

En effet, réorienter les  grandes fonctions d’intégration, infléchir toutes les politiques publiques prendra du temps et les effets sur l’action sociale ne seront pas immédiats. Et pourtant le quotidien ne peut pas toujours attendre.

Dès lors, deux enjeux vont constituer des marqueurs forts pour apprécier ce que sera la politique d’action sociale : la mise à jour d’un discours cohérent débouchant sur des éléments de programmation ; une maîtrise qualitative de l’offre au regard des besoins rompant avec les logiques du new public management (nouvelle gestion publique).

Des discours épars ne peuvent suffire. Il y a un peu plus de trente ans maintenant Nicole Questiaux alors ministre chargée des affaires sociales s’adressait aux travailleurs sociaux au travers d’une circulaire[1]. Celle-ci a fait date dans la mesure où elle fondait un nouveau discours politique sur l’action sociale, discours dont beaucoup d’éléments ont été repris dans des textes fondateurs (décentralisation, loi 2002.2…). Une telle vision politique clairement affichée pour l’action sociale est indispensable aujourd’hui dans un contexte qui s’est complexifié où il est pour le mois ardu d’en déchiffrer les logiques et le sens. De plus, les évolutions dans les secteurs de  l’action sociale prendront du temps et les réorientations ne sont pas simples. Nul ne peut, en outre, nier les contraintes financières bien réelles. Mais il faut savoir où l’on va. Il faut donner du sens à une nouvelle impulsion et étayer cela par un début de programmation. Ce discours politique, il peut être construit très vite, en lien avec l’ensemble des acteurs.

Parallèlement, il y a le quotidien. Là aussi, une maîtrise qualitative de l’offre, combinant une réponse aux besoins, des objectifs forts en matière de milieu ordinaire et d’inclusion avec un souci d’une optimisation des moyens doit se substituer aux logiques de la nouvelle gestion publique. Dans un premier temps cela implique de rompre avec les approches mécaniques de tarifs plafonds ou de convergences budgétaires, de redonner vie, et donc un contenu aux procédures contradictoires. Bien sur cela nécessite de desserrer les contraintes financière et implique un coût financier. Il peut être mesuré. Nul ne réclame des taux à 10%. A court terme l’idée est d’amorcer une réorientation même si, dans un premier temps, les effets en restent quelque peu symboliques. C’est le moyen de jeter un pont entre la nécessaire vision politique de moyen terme et les situations présentes, de donner du sens aux décisions et à l’action, de la dynamique aux acteurs. De ce point de vue l’analyse des futures circulaires budgétaires sera un bon révélateur de la volonté et des objectifs du gouvernement.

 


[1] La revue Vie Sociale éditée par le Cedias/musée social a eu la bonne idée de rééditer cette circulaire dans son numéro 3/201.