L’utilité sociale ne relève pas de la performance
L’utilité sociale ne relève pas de la performance
L’orientation prise par les pouvoirs publics dans la période récente, les modalités injonctives ou/et irréalistes qu’ils adoptent, l’accumulation de signaux négatifs (mise en concurrence, négligence des spécificités du secteur médico-social dans la loi HPST[1], projets de CPOM territoriaux ignorant les spécificités des différents handicaps, relative indécision quant au périmètre de la directive européenne sur les services, suppression de la procédure budgétaire contradictoire) me semblent aujourd’hui suffisamment inquiétantes pour justifier un rappel des principes sur lesquels reposent l’action sociale et médico-sociale. Sans tomber dans l’amalgame ou le procès d’intention, la tendance est aujourd’hui trop homogène pour qu’on ne la suppose pas obéir à un dessein d’ensemble qui, malheureusement, n’est ni porteur d’humanité ni favorable à la cohésion sociale.
Bertrand Dubreuil, Educateur spécialisé, Docteur en sociologie, Directeur de PLURIEL formation-recherche, http://www.pluriel-formation-recherche.fr.
Il faut préalablement distinguer ce qui est de l’ordre de l’Agence nationale de la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) et ce qui est de l’ordre, plus général, de la notion de performance. Autrement dit, n’attribuons à une instance dotée d’une mission technique la responsabilité d’une orientation politique, d’une évolution sociétale ou d’un courant idéologique, même si, en stricte logique, elle développe des outils qui concrétisent, soutiennent, développent cette orientation. Nous ne gagnerons pas en lucidité à diaboliser l’ANAP. Fragile dans son identité, le secteur médico-social tend en effet trop souvent à repousser des analyses et des exigences qui soulignent ses faiblesses ou/et, à l’inverse, il s’y acculture avec un empressement parfois confondant. Il importe donc de distinguer les outils d’une part et le sens des termes pour les notions qu’ils recouvrent et les orientations dont ils témoignent ou/et dissimulent.
L’ANAP telle qu’elle se définit
Instituée par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), l’ANAP a pour mission de soutenir les établissements et services dans la modernisation de leur gestion, l’optimisation de leur patrimoine immobilier, le suivi et l’accroissement de leur performance et la maîtrise de leurs dépenses.[2] La déclinaison de ses missions mêle des tâches délimitées et des champs d’action suffisamment larges pour autoriser les développements requis par les orientations politiques.
Tâches délimitées |
Champs d’action |
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Les tâches délimitées proviennent d’instances rassemblées dans l’ANAP, à savoir le Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier (GMSIH), la Mission national d’appui à l’investissement hospitalier (MNAIH) et la Mission nationale d’expertise et d’audit Hospitaliers (MEAH). Chacune de ces instances avait un rôle technique délimité (le système d’information, l’investissement financier, l’audit) alors que l’ANAP se voit dotée d’une mission plus globale sur la performance, caractérisée notamment par des termes tels que « conception », « pilotage », « amélioration », « stratégique ».
L’examen plus détaillé des travaux réalisés ou à venir de l’ANAP confirme que son champ de compétence ne se limite pas à la performance des matériels, des systèmes d’information et de l’immobilier, mais concerne la performance des personnels et de la structure dans sa globalité. Ainsi « les ressources humaines sont un volet crucial de l’action de l’ANAP », les « décideurs et responsables » sont invités « à moderniser la gestion de leur personnel ». Il s’agit de « créer les conditions favorables à l’engagement des professionnels, disposer d’outils efficaces pour une gestion éclairée des parcours des acteurs de santé et accompagner les mobilités choisies. » Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, évaluation professionnelle des personnels et gestion de la mobilité « participent ensemble à une réflexion plus générale d’identification et de mobilisation des compétences (actuelles et à venir) […] au service de la performance globale des établissements de santé. » L’ANAP travaille également sur « la gestion et l’organisation du temps et des activités » ainsi que « la gestion de l’absentéisme ». Elle produit des études relatives au système d'information de l’établissement lui permettant « de gérer et de partager de manière contrôlée les informations nécessaires à son cœur de métier, à son fonctionnement et à son pilotage ».
On retiendra enfin plus particulièrement cette formulation : « La capacité de l'établissement à offrir des services de qualité, c'est-à-dire répondant aux attentes, nécessite la mise en place et l'amélioration continue d'une organisation adaptée. Les processus opérationnels, de support et de pilotage doivent permettre de réaliser des services de valeur, aux meilleurs coûts. Cette recherche permanente de la performance exige entre autres l'automatisation de certaines tâches. »[3]
Le raisonnement mérite d’être décomposé dans ses enchaînements :
- pour offrir « des services de qualité », il faut adapter l’organisation[4],
- une organisation adaptée permet les meilleurs coûts,
- cela exige l’automatisation de certaines tâches.
Bien que l’automatisation suppose la répétition d’actes strictement équivalents, il n’est pas nécessaire d’imaginer une taylorisation systématique des tâches. C’est plus globalement d’une approche technocratique[5], dont il s’agit, d’une ambition d’organiser rationnellement l’action, de la supposer possiblement sans perte, intégralement définie et prévisible. Tout autant qu’une volonté de maîtrise des dépenses, cela suppose une volonté de maîtrise des buts assignés aux actes professionnels.
La création de l’ANAP est donc un acte significatif qui ne se réduit pas au regroupement d’instances techniques. Porteuses de rationalisation, celles-ci n’en étaient pas moins limitées au traitement sectoriel d’aspects dissociés qui, certes, impactaient le système d’action constitutif de toute organisation de travail mais ne déterminaient pas son orientation au-delà des contraintes qu’elles imposaient, des commodités qu’elles offraient et des services qu’elles rendaient. L’ANAP, elle, est dédiée à une approche globale qui modifiera la nature des exigences et soutiens pour standardiser des pratiques et des modalités de collaboration entre les acteurs, sous l’hypothèse d’une efficacité supérieure.
Enfin, on relèvera que les activités de ces anciennes instances techniques concernaient le champ hospitalier. Sur le site Internet de l’ANAP, il est frappant de constater l’omniprésence du registre sanitaire, non seulement dans le contenu des travaux réalisés ou projetés mais aussi dans l’illustration photographique. Les études ne concernent que les locaux, les matériels, l’organisation, sanitaires[6] et les photographies n’illustrent que l’environnement hospitalier, ne présentent que des personnels en blouse blanche. Cela laisse mal augurer de la reconnaissance du secteur médico-social dans sa spécificité. On aurait voulu inquiéter ou provoquer des résistances, qu’on n’aurait pas mieux fait. Mais il y a plus de raison de supposer une précipitation naïve, un habitus incapable de se décentrer de son univers de pensée, trahissant la posture qui présidera à la transposition des méthodes, référentiels et procédures du sanitaire au médico-social.
La performance telle qu’elle ne se définit pas
Pour autant, encore une fois, il n’y a pas lieu de faire la critique de l’ANAP elle-même. Elle est l’instrument d’une orientation politique qui traduit/impulse une évolution sociétale. Ses attributions sont significatives, elle n’en est pas responsable.
Il n’y a pas lieu non plus de s’étonner que la notion de performance n’y soit pas définie. On pourrait naïvement concevoir qu’une vision d’avenir, qu’une déclaration d’orientation, qu’une impulsion de politique générale, fassent l’objet d’une définition par les pouvoirs publics du sens qu’ils donnent au terme porteur de cette visée. Or, en général, le politique initie l’emploi de termes dont il suppose le sens stable et univoque, tout en les exploitant de façon polysémique ou et indécise. Faut-il rappeler que l’évaluation n’a pas été définie en son annonce, ni la qualité, ni la bientraitance ?... Lorsque les termes comportent des enjeux, c’est parce que les acteurs s’en emparent que leur sens se précise, parce que les positions, les rapports de force et les équilibres s’établissent au fil des confrontations et convergences.
Par définition, une restructuration de l’action publique est consécutive à une évolution sociétale ou/et à une orientation politique. Dans le premier cas les contours de l’évolution ne sont d’abord cernés que de façon confuse et incomplète, dans le second cas soit l’orientation est incomplètement maîtrisée, soit elle requiert de ne pas apparaître dans sa radicalité et suppose donc une opacité initiale pour y familiariser peu à peu les esprits. Cela n’implique pas nécessairement une duplicité du politique, encore moins l’hypothèse d’une manipulation dissimulée et toute puissante. C’est plus simplement la conséquence des intérêts en jeu, des rapports de force et des stratégies des acteurs au sein d’un système social en mouvement et dont l’équilibre se modifie. Dans ces conditions, la polysémie provisoire du terme, son caractère indécis, fait son efficacité au service du dessein des acteurs dominants.
Pour autant, cela ne nous dispense pas de faire des hypothèses sur le sens de l’évolution en cours. En l’occurrence, la consultation des dictionnaires en offre trois registres :
- le résultat quantifié obtenu dans une compétition sportive,
- un exploit, une prouesse remarquable, un succès,
- le résultat optimal obtenu d’un matériel ou dans l’exécution d’une tâche.
Il est par ailleurs intéressant de relever le sens qu’en donne Wikipédia concernant l’organisation de travail, pour sa dimension peut-être la plus communément partagée aujourd’hui : « Dans le domaine de la gestion, la performance est le résultat ultime de l’ensemble des efforts d’une entreprise ou d’une organisation. Ces efforts consistent à faire les bonnes choses, de la bonne façon, rapidement, au bon moment, au moindre coût, pour produire les bons résultats répondant aux besoins et aux attentes des clients et plus généralement des parties prenantes de l'entreprise et atteindre les objectifs fixés par l’organisation ».
On y soulignera la répétition du qualificatif « bon », supposant une représentation binaire (bon/mauvais, vrai/faux), les termes de « résultat », d’« efforts » (tension vers), de « rapidement » et de « moindre coût »
La notion d’effort au sens de tension vers un résultat supérieur est également présente dans la compétition sportive, dans les termes d’exploit, de succès, de prouesse, d’optimal. Cette compétition dans le domaine sportif renvoie en économie à la compétitivité, donc à la comparaison avec des acteurs de même nature et à l’affrontement pour l’emporter. On l’associera au terme de mise en concurrence.
Le résultat, lui, ne concerne pas que les matériels mais aussi les tâches, autrement dit les actes professionnels. On relèvera qu’il s’agit alors de l’exécution, terme supposant une position d’agent exécutant, et non de la réalisation d’une tâche, terme supposant une position d’acteur contribuant à la définition de la tâche. La performance suppose en effet des standards pour quantifier les résultats, autrement dit un systématisme procédural autorisant la comparaison.
Il ne faut pas, en la matière, se dissimuler les liens de la performance et de l’évaluation, au moins dans l’orientation que certains semblent vouloir lui donner aujourd’hui. Si, dans le secteur social et médico-social, la dimension qualitative prévaut aujourd’hui en matière évaluative, elle n’en pas moins évolué d’une priorité accordée à l’effectivité (Fait-on ce qu’on déclare faire (ou ce qu’on nous demande de faire ?) à une priorité accordée à l’efficience (Quel résultat produit ce qu’on fait ?). Cette évolution a jusqu’alors favorisé une vision qualitative de l’activité déployée par les établissements et services et permis de développer l’examen des pratiques au-delà des aspects procéduraux et de conformité. Pour autant, tout en comportant des risques de formatage réducteur de l’activité et des pratiques, l’évaluation de l’effectivité, caractéristique des démarches qualité, n’avait pas de prétention appréciative sur la performance des acteurs mesurée à partir des résultats observés.
En la matière, la recommandation de l’ANESM de juillet 2009 relative à l’évaluation interne confirme une évolution déjà annoncée par le décret du 15 mai 2007 relatif à l’évaluation externe[7] : l’évaluation a pour finalité la mesure des effets des politiques publiques et donc de l’activité de l’établissement ou du service.
Sans doute le terme d’effet a-t-il été préféré à celui plus catégorique de résultat, mais il n’est pas certain que la nuance sémantique[8] tiendra longtemps. On relèvera par ailleurs l’emploi du terme d’impact dans le décret, dont le sens le plus répandu est pour le moins troublant en matière de service à la personne[9]. L’effet et l’impact se différencieraient par le fait que l’un porterait sur le court terme et l’autre sur le long terme. Non seulement cette distinction semble fragile si l’on en croit une nouvelle fois le langage commun, l’impact étant, dans son second sens, l’effet produit par quelque chose. Mais en plus, on ne voit pas comment les établissements et services auraient les moyens de mesurer l’impact de leur action à long terme. Comment recontacter le public concerné ? Comment distinguer ce qui relève de l’action de l’établissement ou du service et les facteurs ultérieurs ?
Il ne s’agit pas ici de soutenir une hypothèse à partir de la polysémie des termes. Les mots ont le sens que l’usage leur donne. Mais justement, l’usage n’est en l’occurrence pas balisé et, lorsqu’on utilise les mots sans autre précision pour définir un processus, cela suppose qu’on ne souhaite pas devoir argumenter sa validité, en expliciter les enjeux, en révéler intégralement la visée à terme.
Il est en effet pour le moins étrange que les pouvoirs publics attendent des acteurs du secteur social et médico-social qu’ils mesurent des effets ou/et un impact sans en définir les indicateurs et le cadre méthodologique. Certes, les établissements et services sont en mesure et en responsabilité d’apprécier les évolutions observées chez les personnes qu’ils accompagnent entre le moment de leur accueil et le moment de leur départ ou entre deux étapes de leur parcours institutionnel. Certes une évaluation qualitative et ajustée au contexte de l’établissement ou du service, et donc assurée à son initiative, est préférable à une évaluation pré-formatée, étroitement quantitative et reposant sur des généralisations réductrices.
Mais n’est-on pas dans un semblant d’évaluation lorsque ne sont pas définies par les pouvoirs publics les modalités évaluatives des effets relatifs aux publics sur le moyen et le long termes ? Quid de l’impact du maintien à domicile des personnes âgées ou des personnes handicapées ? Quid de l’impact de la scolarisation sur le niveau d’acquisitions des jeunes avec un handicap ? Quid de l’insertion sociale des adultes avec un handicap, du vécu des parents des adultes en foyer d’accueil médicalisé ? Etc.
L’évaluation d’une politique publique dans ses effets généraux et sur la durée ne relève pas des acteurs qui la mènent localement mais des pouvoirs publics. En l’occurrence, l’absence de travaux épidémiologiques illustre éloquemment l’insuffisance de moyens évaluatifs, alors que le législateur ne cesse d’en souligner la nécessité.
De méchants esprits supposeront que le champ d’initiative laissé aux établissements et services en matière d’évaluation sert avant tout à les occuper tandis que se structurent les instruments de la tarification à l’acte et de la comparaison des coûts budgétaires, préparant ainsi progressivement le passage à des calculs de performance, secondarisant l’adaptation au besoin, ou suscitant une configuration duelle de l’offre par le jeu de la participation financière à la prestation assurée.
La maîtrise des dépenses est une juste exigence. Nul ne peut soutenir sans inconséquence la perspective d’une réponse illimitée aux besoins. Elle se ferait alors au détriment de la réponse à d’autres besoins ou occasionnerait à terme un dramatique retour en arrière par effondrement du système. Faut-il pourtant basculer dans une autre illusion, celle d’une rationalisation des choix budgétaires telle qu’elle assimile l’existence de personnes à la production de biens, l’utilité sociale à la performance économique ?
Sofia
Sofia est une préadolescente de onze ans en UPI avec le soutien d’un SESSAD. Lors de la première séance dédiée au soutien scolaire, Sofia arrive « les mains dans les poches », nonchalante, sans rien pour travailler. L’échange s’entame cependant, mais elle urine sur sa chaise et révèle alors qu’elle souffre d’une énurésie nocturne et diurne de caractère psychologique. Le symptôme est suffisamment prégnant pour que les professionnels renoncent temporairement à une aide scolaire. Parce que Sofia ne souhaite pas échanger sur ce qui pourrait expliquer cette énurésie, ils lui proposent l’intermédiaire d’articles de vulgarisation sur l’énurésie pour lui montrer leur attention au problème, sans pour autant forcer son silence. Au fil des rencontres l’énurésie diurne se réduit et les professionnels relancent Sofia sur le soutien scolaire. Comme celle-ci n’amène toujours aucun support pour travailler, ils décident de rencontrer ses parents.
Ils proposent à ces derniers d’aider Sofia dans ses devoirs à la maison, afin qu’elle dispose de ses cahiers et de ses livres. Les parents acceptent et le soutien se met en place. Bientôt l’éducatrice interpelle l’enfant puis les parents sur l’absence des instruments nécessaires pour travailler (cahiers, stylo, compas, règle, etc.).
Acculée, Sofia avoue qu’elle a vendu les affaires de classe que lui avaient achetées ses parents. S’ensuit une série de séances plus ou moins conflictuelles, qui permettent progressivement aux parents de fournir de nouveau à leur fille les moyens d’effectuer son travail et à celle-ci de tenir les engagements qu’elle prend. Cela ne se fait évidemment pas sans « larmes ni bouderie » mais au fil des mois la scolarité de Sofia s’améliore, de même que ses rapports avec ses parents et elle parvient à suivre le cursus du collège.
A suivre…
Valérie
Valérie, infirme moteur-cérébrale, d’efficience intellectuelle normale, est une personnalité calme, voire effacée, sauf le matin jusqu’à la fin du petit déjeuner. Elle semble alors gagnée par une angoisse qui se traduit par des hurlements, des raideurs corporelles, le rejet de toute sollicitation. Cette conduite a des effets de contagion sur les autres résidents et, a contrario de ce qu’elle provoque, Valérie réclame le calme alentour. Elle exprime également son besoin d’ordre et de protection par des rituels tels que la fermeture des volets et des rideaux, le rangement précautionneux de sa chambre, le verrouillage interne de sa salle de bain, etc.
Ce qui caractérise la situation de Valérie c’est sa dépendance physique dans les gestes de la vie quotidienne et dans les actes de la vie sociale. Ce qui caractérise la relation des professionnelles avec Valérie c’est la différenciation des attachements. L’équipe juge normal qu’elle préfère l’une ou l’autre professionnelle, développe des relations privilégiées. Mais cela devient problématique lorsque ses choix déterminent l’organisation de travail. Soucieuse de prendre en compte les préférences de Valérie, de personnaliser les relations, l’équipe la convie en effet, séquence après séquence, à choisir la professionnelle qui l’accompagnera dans sa toilette, au cours du repas, dans ses soins d’hygiène. L’autre professionnelle du binôme présent est donc chargée de s’occuper de tous les autres résidents.
L’équipe décide alors que les professionnelles s’occuperont de la résidente à tour de rôle dans les séquences de vie quotidienne. Et c’est lorsque cette résolution est formulée que semble s’éclairer son comportement difficile au réveil.
Du fait de la présence d’une seule professionnelle Valérie manifesterait sa frustration de ne pouvoir choisir. Conjointement, elle exprimerait son angoisse de voir disparaître ses parents âgés. Elle s’est en effet montrée très affectée par le décès de sa grand-mère, qui s’était beaucoup occupée d’elle, et a exprimé plusieurs fois son inquiétude de la disparition de ses parents lors de leurs voyages à l’étranger. Les professionnelles supposent donc qu’en se réveillant le matin, souvent après une nuit entrecoupée de cauchemars, elle est gagnée par la perspective du décès de ses parents. La nuit serait l’équivalent d’un voyage dont on revient, sans savoir ce que sont devenues les personnes dont on n’a pas eu de nouvelles récentes.
A suivre…
De l’utilité sociale et de la performance
Je n’ai pas introduit l’exposé de ces deux vignettes cliniques, rompant sans justification avec un propos didactique sur la performance. Je voulais ainsi souligner le caractère incongru de la performance lorsqu’une activité de service ne relève pas de la segmentation de l’intervention délimitée, de la discontinuité de l’acte isolé produisant par lui-même un effet, mais de la continuité de l’existence, du flux du vécu. Ce qui caractérise l’action des professionnels du secteur social et médico-social, c’est qu’elle concerne l’existence de personnes, qu’il s’agisse d’un processus d’éducation spécialisé auprès de jeunes ou qu’il s’agisse du soutien à l’autonomie d’adultes en situation de handicap ou de difficulté sociale. Or l’existence ne relève pas de la performance.
La performance d’une voiture, c’est sa vitesse, sa consommation, etc. La performance d’une machine, c’est sa productivité. La performance de capitaux, c’est le profit qu’ils produisent. La performance d’un sportif, c’est sa supériorité dans un exercice physique standardisé. Contrairement à ce que suppose un utilitarisme destructeur de cohésion sociale, le service aux personnes ne relève ni de la performance attendue des objets, ni du classement entre compétiteurs.
La performance renvoie aujourd’hui à un dessein de maîtrise technocratique sans latitude et d’inégalisation sociale lié à la compétition économique (elle-même justifié par la mondialisation des échanges mais motivé en réalité par l’enrichissement de classes dominantes), à un double processus de rationalisation et de marchandisation.
En moins d’une décennie, le discours des pouvoirs publics a progressivement muté : de « l’utilité sociale » énoncée dans l’article 5 de la loi du 2 janvier 2002, vers une exigence d’efficacité identifiable de l’action sociale et, plus étroitement, de l’acte professionnel, efficacité en soi justifiée mais peu à peu recouverte par la notion d’efficience. Or, implicite qu’on se garde d’énoncer – voire qu’on dénie - l’efficience ne consiste pas à seulement mesurer les effets mais à les mesurer au regard des moyens. Il n’y a non plus rien d’illogique à mesurer l’efficience des financements publics et du service rendu au regard des besoins. Mais on assiste à un glissement progressif vers un but informulé. L’instauration de la tarification à l’acte montre aujourd’hui[10] que la mesure de l’efficience vise une homogénéisation des moyens alloués par les pouvoirs publics à un type d’action auprès d’un type de public – espérons-le, toutes conditions égales par ailleurs. Encore une fois, ce n’est pas en soi illogique du point de vue des pouvoirs publics, responsables de la réponse aux besoins et comptables de la dépense[11].
L’efficience des établissements et des services n’est pas en effet contradictoire avec l’utilité sociale. Mais la performance n’y ajoute rien et ne repose que sur un postulat idéologique si elle n’est pas délimitée. Or le regroupement précédemment évoqué des trois agences (GMSIH, MNAIH et MEAH) dans l’ANAP indique que la visée change de nature. Tant qu’il s’agit de la performance des matériels, la nature de l’action n’est pas affectée pourvu que cette performance ne soit pas érigée en finalité. Lorsque le système d’action est lui-même assigné à la performance, alors qu’il relève du service à la personne en situation de vulnérabilité, il entre en contradiction avec sa finalité. L’interaction d’aide à l’autonomie ou d’éducation ne relève pas de la performance. Ou il y a lieu de s’inquiéter. Et de se demander si les glissements successifs (utilité - efficacité –efficience) précédemment évoqués ne visent pas à terme la marchandisation et la dualisation du secteur médico-social sous l’assignation à la performance.
Objectera-t-on que la performance ne porte pas sur l’action ? Sur quoi précisément alors ? Sur… la logistique, le système d’information, sur… la gestion des ressources humaines, la communication au sein de l’organisation de travail, sur… le management, l’accompagnement des mobilités choisies, sur… l’automatisation de certaines tâches, sur… Cette énumération progressive n’est pas un amalgame mais la simple reprise des travaux en cours et à venir de l’ANAP. Les glissements sont à peine perceptibles d’un sujet à l’autre. Faute de lucidité aujourd’hui, ne risquent-ils pas de nous conduire demain à une mesure de la performance de l’organisation de travail à une mesure de la performance des professionnels et… de la performance obtenue avec les personnes accompagnées ? Sans doute irais-je trop loin en supposant une performance de… la personne accompagnée.
La norme, la performance et le droit
L’action développée avec des personnes handicapées ou en difficulté ne relève pas d’une finalité normée. On peut exiger qu’elle soit efficace, se préoccuper de son efficience sous réserve que cela ne dégrade pas la qualité de la prestation assurée. On ne peut lui fixer une performance plus ou moins élevée.
Quelle est la performance dans le cas de la relation de Sofia avec ses parents et de son rapport aux apprentissages scolaires ? Qu’elle se réconcilie avec l’école ? Que la vie de famille se détende ? Que s’estompe l’énurésie ?
Quelle est la performance dans le cas des terreurs nocturnes, des angoisses de mort de ses parents et de la demande de relation exclusive de Valérie ? Qu’elle n’ait plus de cauchemars ? Quelle cesse ses crises matinales ? Quelle entretienne une relation moins exclusive ?
Certains, peut-être, répondront oui. Ils confondront alors le résultat observé et le meilleur résultat possible au meilleur coût. La performance suppose en effet la comparaison d’un résultat à un autre, leur étalonnage, la standardisation des résultats obtenus avec les personnes… Etonnant qu’on puisse tenir un tel raisonnement sans plus s’en effrayer. Est-on encore dans l’humain ?
Quelle serait donc cette performance à laquelle seraient censés concourir les professionnels afin de montrer la supériorité des résultats qu’ils auraient obtenus de leurs usagers ? Quelle serait donc cette performance que les usagers seraient censés démontrer par leur comportement ?
La performance renvoie à la hiérarchisation des personnes en termes de capacités productives. Elle est incompatible avec la capabilité d’Amartya Sean, autrement dit la capacité propre à la personne, ajoutée éventuellement des dispositions compensatoires qui lui permettent d’accéder comme tout un chacun aux bénéfices de la condition humaine dans une société donnée[12].
Supposant la comparaison standardisée des résultats, la performance, comme dans le domaine sportif, implique la construction de catégories (les poids lourds, les poids semi-lourds, les poids légers, la division d’honneur, la seconde division, etc.) et donc l’exclusion de ceux qui constituent un handicap pour une catégorie donnée compte tenu de leur déficit de performance. Si les établissements et services sont évalués dans une logique de performance, ils tendront à sélectionner leur public pour rester dans la compétition. Avec sa précieuse lucidité, Elisabeth Zucman nous rappelle les dangers d’une philosophie utilitariste qui « mesure le degré d’appartenance de chaque personne à la communauté humaine en fonction de ses capacités à lui être «utile » […] Elle [la philosophie utilitariste] a servi récemment de soutien implicite à quelques articles de médecins s’interrogeant longuement sur l’appartenance « des polyhandicapés » à l’espèce humaine. […] Elle est lourde de sens et de menaces dans notre mode contemporain prosterné devant le veau d’or de la rentabilité »[13]
Va-t-on me prêter un procès d’intention ? Les procès d’intention concernent les personnes. Or il ne s’agit pas de supposer des intentions personnelles, mais d’identifier la logique relative à une orientation qui inverse l’ordre des finalités et des moyens, qui fait de l’obsession du moindre coût (de la poursuite du meilleur profit ?) et de la rationalité organisationnelle une raison d’agir dans un domaine où celles-ci ne doivent être que des contraintes à desserrer au mieux pour le mieux-être des personnes concernées.
Lors d’une émission de radio récente relative à la réforme du médiateur de la République et des actuelles instances publiques de recours en cas de discrimination ou d’entrave aux droits fondamentaux, un auditeur s’interrogeait sur la nécessité du respect de ces droits : « On nous dit qu’il faut être compétitif dans une économie mondialisée, alors que les pays émergents n’appliquent pas les mêmes droits aux enfants, aux salariés, aux prisonniers… Alors le droit face aux exigences de l’économie… » D’étonnante façon, les personnalités interpellées se sont trouvées en difficulté d’argumentaire sur la nécessité du droit dans une société. Certains s’en sont tenus à rappeler que les droits individuels n’étaient pas un luxe, que la sanction d’un délit était la privation de liberté et non la perte des droits relatifs à la dignité ou la santé. D’autres ont développé un argumentaire économique sur le coût des discriminations. On voit à quel point un discours tout-économiste imprègne aujourd’hui l’opinion au point que des évidences d’humanité doivent être argumentées et parfois ne trouvent que des arguments économiques pour défendre les caractéristiques de domaines étrangers à l’économie. Fallait-il demander à cet auditeur s’il tiendrait toujours le même raisonnement lorsqu’il serait victime d’une discrimination ou atteint d’une dépendance dont on a considéré qu’elle relevait de sa responsabilité parce qu’elle n’était pas compétitive ?
Etonnant tout de même : alors qu’on n’a jamais tant proclamé l’égalité des droits et des chances pour les personnes avec un handicap, on n’emploie jamais tant les termes de compétence, mise en concurrence, performance. S’agit-il encore pour ces personnes de simplement vivre ? Est-ce que, derrière la performance attendue des professionnels, se profile la performance dont devraient témoigner les bénéficiaires pour les moyens que la société leur consacre ?
Le tiers secteur entre l’Etat et le marché
L’essentiel de l’activité sociale et médico-sociale repose sur l’initiative de groupes d’hommes qui n’y recherchaient pas un profit financier mais y trouvaient l’intérêt d’une entreprise utile à la communauté, autrement dit sur le phénomène associatif – l’association volontaire de citoyens dans un but déclaré. Dans d’autres cas, les établissements ou services étaient à l’instigation de mutuelles ou de collectivités locales dont les administrateurs ou les élus visaient la couverture d’un besoin observé dans leur domaine d’action. Il s’agissait d’assurer un service public, autrement dit égalitaire, ouvert sans discrimination à une catégorie de bénéficiaires. Dans les deux cas, le souci lucratif n’entrait pas en ligne de compte et les initiatives reposaient sur la notion d’utilité et non de performance.
La loi du 2 janvier 2002 a consacré la notion d’usager. Une certaine littérature a introduit le terme de client, dont la pseudo-modernité séduisait certains : le client étant supposé contribuer financièrement serait plus en mesure d’exiger une qualité de service que l’usager confiné dans une posture assistantielle ; appréciant comparativement la qualité des prestations proposées, il serait en capacité de choisir le service ou l’établissement (mise en concurrence) susceptible de lui offrir la solution la plus adaptée à sa situation (mieux-disant). La promesse est mensongère - au moins illusoire. D’une part elle dissimule le fait que les supports d’évaluation d’un service et de négociation de sa personnalisation varient en fonction de l’allocation de ressource financière et culturelle du demandeur. D’autre part elle oublie que l’accompagnement de personnes avec un handicap ou en difficulté relève non des capacités financières de la personne mais de la solidarité exercée par sa communauté d’appartenance, relève du droit garant de l’égalité et donc du registre de l’usager ou du citoyen mais pas du registre du client. L’action en faveur de personnes que leur spécificité met en position d’inégalité – de handicap – ne peut relever que d’une logique d’égalité (loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances) et non de la recherche d’un profit financier[14], sauf à dégrader la qualité de la prestation en réduisant les moyens mis en oeuvre, sauf à financer par l’impôt ou les cotisations sociales les dividendes des actionnaires ou à demander à la personne elle-même d’assurer ce profit. Cette dernière option caractérise partiellement le secteur sanitaire et le champ des personnes âgées ; on sait combien elle y est source d’inégalités dans l’accès au soin et la qualité des prestations.
Le caractère non lucratif de l’initiative associative ou mutualiste du tiers secteur relève du principe de solidarité qui fait cohésion sociale, sans laquelle aucune société démocratique ne tient longtemps. La notion de client renvoie, elle, à une société marchandisée, déjà aujourd’hui profondément inégalitaire. La performance entretient le mythe d’une toujours « meilleur qualité au meilleur coût »[15]. Elle contribue ainsi à l’inégalisation des prestations par le jeu du reste à payer qu’induit à terme la comparaison des établissements ou services et le jeu de la mise en concurrence des projets d’ouverture de nouvelles structures.
Le pouvoir politique est aujourd’hui dominé par le souci de maîtrise des dépenses, souci justifié mais qui lui fait ignorer la société civile dans sa capacité d’initiative, sa proximité aux besoins des populations en situation de vulnérabilité. Jean-Louis Laville[16] nous rappelle judicieusement que le débat sociétal ne concerne pas seulement l’Etat et le marché, le politique et l’économique, mais aussi la société civile au travers de ses modes d’organisation associatif ou mutualiste. C’est vrai aujourd’hui plus que jamais, alors que l’Etat reprend à son compte le paradigme du néo-libéralisme pour imposer à l’action publique les notions de concurrence et de performance.
Or, devant cette évolution, à terme destructrice d’un tissu social garant de certaines solidarités devant les accidents de la vie et les exclusions, le mouvement associatif semble frappé d’asthénie militante. On observe conjointement que certaines directions générales font le jeu d’une marchandisation rampante, qu’elles se complaisent par carriérisme ou narcissisme béat, dans l’emploi de méthodes managériales et le déploiement de dispositifs technocratiques inappropriés aux réalités du service à la personne, qui stérilisent l’engagement des professionnels, détruisent la souplesse et la contextualité organisationnelle nécessaire à la dimension humaine de l’action. Sans que soit déniée la nécessité d’une certaine rationalité organisationnelle, celle-ci génère effets pervers, souffrance au travail et dégradation de la qualité du service, lorsqu’elle impose sans concertation et ajustement des modalités sèchement procédurales, des organigrammes abstraits, ignorants des investissements professionnels.
Se souvient-on que Michel Crozier et Erhrard Friedberg ont amplement montré qu’un système pensé dans sa seule rationalité organisationnelle, oublieuse du jeu des acteurs, produisait l’inverse de ce qu’il ambitionne. Un tel système ignore en effet les hommes, leurs intérêts et leurs investissements. La rationalisation des conduites professionnelles au sein de l’hôpital a ainsi montré ses limites lorsqu’elle prétendait, à la façon d’un nouveau taylorisme, soumettre au registre procédural ce qui relevait de l’interaction entre soigné et soignant.
Le mouvement associatif serait-il en voie de se technocratiser lui-même, oubliant la fonction tribunitienne que lui attribue Joseph Priou[17] ? Pourquoi les grandes associations du secteur social et médico-social ne s’élèvent-elles pas contre certaines injonctions des pouvoirs publics, irréalistes ou/et destructrices de l’humanité du secteur social et médico-social, devant l’inflation de justifications normatives, de documents à produire, d’exigences évaluatives sans validité scientifique ou qui glissent vers le contrôle de conformité, devant ce soupçon récurrent d’inefficacité ou d’insuffisance gestionnaire ?
J’ai eu récemment l’occasion d’entendre le propos à contre courant d’un directeur général d’association : il expliquait avoir inversé l’orientation qui consiste à déterminer des pôles territoriaux constitués de plusieurs établissements pour en attribuer la gestion à un seul directeur, lui-même délégateur de responsabilités locales à des chefs de service. Cela occasionnait en effet une perte de temps considérable en déplacements et donc une faible disponibilité auprès des cadres, une présence insuffisante dans les lieux de travail avec les dérives, les insuffisances, l’évitement des problèmes émergeants qui s’amplifiaient d’autant.
J’ai aussi observé que des instances associatives locales s’opposaient aux dangers de la rationalisation en cours : « La logique hospitalière du projet de loi « hôpital, patients, territoire de santé » et le contenu récent des rapports portant sur le fait associatif, nous amènent à rejeter les dispositifs visant à instrumentaliser purement et simplement les associations. »[18]
L’utilité sociale ne relève pas de la performance
Une prise de conscience est nécessaire. En tant que professionnel, nous avons à prendre la parole, à exercer notre fonction d’alerte. En tant qu’instances morales, les gestionnaires à but non lucratifs ont à prendre position. Certains jugeront peut-être qu’ils ont trop à y perdre compte tenu de leur dépendance aux financements publics. Ils ont en réalité bien plus à perdre à se taire, acceptant ainsi, de compromis en compromis, de silence en silence, de dérobades en dérobades, d’être réduits au rôle de prestataires de services, de courroie de transmission de la rationalisation des choix budgétaires et de la marchandisation du secteur par le jeu de la mise en concurrence sous le paradigme souverain de la performance. Va-t-il par exemple falloir assister à l’effondrement des services à domicile par asphyxie financière pour réaliser la logique qui nous entraîne ?
Nous n’empêcherons pas que se tienne un discours sur la performance et sans doute que se développe une mesure de la performance à certains niveaux. Cela ne doit pas nous conduire à penser la performance comme constitutive de l’activité du secteur social et médico-social. Nous ne devons pas céder à la facilité de penser dans le sens de ce qui nous est imposé. Nous devons conserver notre indépendance de pensée.
Le meilleur est peu probable, le pire n’est jamais certain. Mais je choisis aujourd’hui de dire que le service à la personne ne relève pas de la performance mais de l’utilité sociale. Celle-ci ne s’évalue pas selon des standards de performance mais au regard de la cohésion et de la justice sociale. Je choisis de le dire aujourd’hui. Je préfère me tromper que me conformer trop facilement au vent dominant. Serions-nous en train d’oublier la fraternité au fondement de la République ?
[1] Jusque dans son titre : « Loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires », en soi significatif de cette ignorance.
[2] Convention constitutive de l’ANAP, arrêté du 23 octobre 2009.
[4] L’expression d’ « amélioration continue d'une organisation adaptée » constitue une aporie : si une organisation est adaptée, elle n’a pas besoin d’être améliorée, s’il faut l’améliorer, c’est qu’elle n’est pas adaptée, s’il faut l’améliorer en continu, c’est qu’elle n’est jamais adaptée. Le paradigme du progrès continu vient masquer le paradigme du changement perpétuellement poursuivi : ce n’est pas la continuité de l’existence (le déroulé du temps) qui prévaut, mais la discontinuité (le changement indéfini) qu’on imprime à l’existence ; l’écoulement du temps est dénié par le mouvement perpétuel.
[5] Sans connotation péjorative. La technocratie caractérise une recherche de rationalité liée au processus bureaucratique constitutif de l’évolution des sociétés contemporaines selon Max Weber.
[6] La seule étude concernant le secteur médico-social porte significativement sur un état des lieux à venir.
[7] La conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services sociaux ou médico-sociaux visés à l’article L.312-1 du CASF.
Décret du 15 mai 2007 fixant le contenu du cahier des charges pour l'évaluation des activités et de la qualité des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
[8] L’effet est « le résultat d’une action » dit le dictionnaire Larousse.
[9] Fait pour un corps, un projectile, de venir en frapper un autre.
[10] Il est vrai que les indicateurs statistiques de convergence l’annonçaient, mais on les justifiait précisément pour ne pas aboutir à la tarification à l’acte.
[11] Sous réserve toutefois que le contingentement des dépenses ne relève pas que d’un souci d’économie financière ignorante des besoins de la population.
[12] Amartya Sen, Repenser l’inégalité, Seuil.
[13] Auprès de la personne handicapée, Une éthique de la liberté partagée, Vuibert, 2009, P. 181.
[14] Le but d’une activité lucrative est légitimement de générer des bénéfices.
[15] C’est l’équivalent du toujours plus performant de la technologie proposée par le « divin marché » que dénonce Dany-Robert Dufour (Le Divin marché, Denoël, 2007).
[16] Politique de l’association, Seuil, Paris, 2010.
[17] Les nouveaux enjeux des politiques d'action sociale et médico-sociale, Johan Priou, Dunod
2007.
[18] Colloque inter-associatif du 11 janvier 2010 à Pont à Mousson, Les associations aux côtés des personnes handicapées mentales : un partage de compétences pour plus de citoyenneté.