L’Etat mauvais payeur ?

L’ANEF de Clermont Ferrand a été amenée à suspendre, le lundi 2 septembre, les prises en charge de personnes sans logement ou en difficultés sur ce domaine et à fermer le centre « 115 » au vu des retards considérables pris par l’Etat pour régler les subventions accordées. C’est 362 personnes qui furent ainsi priées de quitter leur hôtel et se sont retrouvées à la rue. L’ardoise se montait à plus d’un million d’euros. L’association allait droit vers la cessation de paiement.

Depuis, quelques mesures palliatives ont été prises (déblocage en urgence de 400.000 euros notamment). De plus, suite à des décisions du tribunal administratif saisi en urgence, le Préfet a été mis en demeure de reloger immédiatement certaines familles. Reste que près de 200 d’entre elles sont encore hébergées dans des conditions plus que précaires.

Le fait est loin d’être isolé. Dès le 9 août la Fnars (Fédération nationale des associations de réinsertion sociale) avait alerté le ministère du logement à la fois sur la situation clermontoise et sur ce qu’elle révélait plus largement, sans véritable écho. Mais au-delà de faits témoignant des conséquences d’un Etat mauvais payeur, (des conseils généraux le sont aussi parfois), cet événement met en lumière deux autres dimensions qui méritent d’être soulignées et mises en débat.

Tout d’abord, l’un des facteurs de coût révélé par l’ANEF est celui des nuits d’hôtels. Cela représente une dépense très significative bien qu’évitable. En effet, cette situation, fort peu efficiente et surtout peu satisfaisante résulte d’une pénurie en chaîne de l’offre de logement. Il y a, tout d’abord, une pénurie de places en centres d’hébergement, qu’il s’agisse de places d’urgence ou non. Mais, la solution n’est peut être pas à rechercher dans la seule augmentation du nombre de ces places ou de ces centres, mis à part pour les CADA[1] (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile). En effet, les pressions qui s’exercent sur eux résultent la plupart du temps d’un manque en matière de logement social, manque résultant aussi d’une offre globale de logements insuffisante et qui croît beaucoup trop lentement au regard des besoins (250.000 en 2013 au lieu des 500.000 prévus, chiffre en recul par rapport à 2012). Le projet de loi dit « Alur », actuellement en discussion vise à corriger cette situation et plus largement à s’attaquer réellement au mal-logement. S’il y a des avancées, les associations soulignent aussi un certain nombre d’insuffisances et elles ont proposées plusieurs amendements dont il faudra examiner les suites données.

La situation de l’ANEF clermontoise témoigne, sous une forme concrète, des impasses de politiques sociales palliatives dans un contexte où les besoins s’accroissent. Les réponses doivent être à la hauteur.

Mais cela doit aussi conduire à réexaminer la notion de subvention. En effet, la subvention procède du « fait du prince », à la fois sur un plan d’opportunité et aussi sur un plan juridique. Contrairement à la tarification qui est encadrée juridiquement quelle que soit sa forme et qui peut donner lieu à des procédures contentieuses, la subvention ne porte aucune forme de sécurité sur ce plan. Elle peut être diminuée ou supprimée pour de simples motifs d’opportunité et ces décisions ne peuvent être contestées devant le juge.

Paradoxalement c’est essentiellement dans le champ de l’inclusion, pour les structures qui accueillent et accompagnent des personnes en grandes difficultés que le régime de la subvention est le plus développé. D’une certaine façon, les structures qui ont pour mission de pallier les effets de la précarité sont elles mêmes maintenues dans des formes précaires d’allocation de ressources.

Ces questions, qu’il s’agisse des réponses, de court comme de long termes, aux problèmes du logement, que celui de la subvention comme mode de financement dans une partie du champ de l’action sociale doivent être prises en comptes par l’ensemble des acteurs et notamment par ceux qui disposent de régimes financiers plus assis juridiquement. Certes, le fait de disposer d’une tarification ne protège pas totalement de difficultés financières. De plus, la jurisprudence tend à devenir moins favorable lorsqu’elle admet que le motif d’une insuffisance de ressources de la collectivité publique responsable est recevable pour justifier de mesures restrictives alors que ce type de décision procède d’abord de choix politiques.

Mais justement, parce que la question des choix politiques opérés par l’Etat ou les collectivités locales est de plus en plus centrale, la solidarité de l’ensemble des acteurs du champ social s’impose. D’une certaine façon, nous sommes tous des Anef de Clermont Ferrand !

 

[1] En effet, les demandeurs d’asile en peuvent pas accéder à un logement tant qu’ils n’ont pas obtenu le statut de réfugié. Notons au passage qu’il est démontré qu’un accueil en CADA avec un accompagnement social, administratif et juridique est moins onéreux qu’une place en hôtel sans aucun accompagnement !