Les mineurs isolés étrangers, une priorité : l'action éducative ?

Depuis les années 90, les mineurs isolés étrangers ont toujours été considérés comme une charge, que se repassent régulièrement l’Etat et les Conseils généraux.
Si, avant 2007, on pouvait arguer que la législation connaissait mal les mineurs isolés étrangers, l’article L 112.3 du code de l’action sociale et des familles, issu de la loi du 5 mars 2007, est on ne peut plus clair :
« La Protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge ».
Cette clarification n’a pas eu comme conséquence d’améliorer l’accueil des mineurs isolés. Au contraire, au fil des années, leur prise en charge s’est réduite, les laissant parfois pendant plusieurs mois sans aucun lien éducatif, dans des chambres d’hôtels à bas prix, livrés à eux-mêmes et à tous les dangers de l’environnement !

Cela démontre qu’ils ne sont plus désormais considérés comme des  mineurs en risque de danger mais se trouvent réduits à leur statut d’étranger. Voilà où en est aujourd’hui la France, pays d’accueil et du droit d’asile !

Cela s’est amplifié récemment par 17 arrêtés de Présidents de Conseils généraux interdisant l’accueil des MIE dans leurs départements, oubliant les valeurs humanistes affichées sur leurs bâtiments publics, celles de LIBERTÉ-ÉGALITÉ-FRATERNITÉ. Je regrette l’absence de réaction massive des professionnels ou des associations de protection des droits de l’homme et des droits de l’enfant, car la vigilance s’impose !
Cette dégradation et la crise des valeurs dans la prise en charge des mineurs isolés a suivi la courbe de l’intolérance de la société française vis-à-vis de l’immigration. Il est temps de réveiller la conscience de ceux qui laissent dire ou faire.

Une telle attitude est contradictoire avec le développement des connaissances et des pratiques professionnelles dans l’accompagnement des mineurs isolés étrangers, sur les aspects juridiques ou scolaires, mais aussi et surtout éducatifs, qui exige des professionnels qualifiés, expérimentés et spécialisés.
Une telle réalité s’oppose à ceux qui ne pensent pas utiles les embauches de personnel éducatif diplômé, en privilégiant le recrutement de personnes ayant seulement du « bon sens », comme seul critère suffisant !
Là aussi, c’est le tarif minimum !

Pourtant, ceux qui accompagnent les mineurs isolés savent que le travail éducatif est l’une des conditions de leur intégration dans la société française, que ce soit à travers le savoir, par une scolarisation adaptée ou l’accès à une formation, la découverte des valeurs républicaines et du vivre ensemble, la citoyenneté, la culture ou encore le monde du travail.

A chaque fois que cela a été mis en œuvre, le succès a été au rendez-vous car la soif d’apprendre, de découvrir et de s’intégrer dans notre société des mineurs isolés étrangers est exemplaire.
Je veux prendre comme exemple récent l’ouverture d’un dispositif d’accueil pour mineurs isolés de France terre d'asile, à Créteil, en octobre 2012.
A partir des objectifs de formation professionnelle comme tremplin à l’emploi, et de mobilité géographique, ce dispositif a permis en un an,  à 17 des 20 jeunes pris en charge, après une mise à niveau en français et une immersion dans le monde de l’entreprise, d’obtenir une formation professionnelle en CFA  avec un employeur.
Pour y parvenir, la DIRECCTE a facilité les autorisations de travail nécessaires.

La mise en œuvre d’un tel projet passe par des moyens humains innovants, avec la présence de trois conseillers d’insertion professionnelle, en complément de l’équipe d’intervenants sociaux en charge du suivi éducatif.
Cela montre qu’il devient nécessaire de passer d’une pratique visant à l’unique objectif d’obtenir des « papiers », pour permettre aux travailleurs sociaux de s’inscrire dans le cadre d’un projet éducatif favorisant l’intégration des mineurs isolés dans la société française, qui reste une condition majeure pour l’obtention d’un titre de séjour.
Il faut donc repolitiser l’action sociale et éducative pour les 8000 mineurs isolés étrangers présents en France, afin de permettre un accueil adapté de ces enfants du monde dans la patrie des droits de l’homme et de la Convention Internationale des droits de l’enfant.
Pour y parvenir, une formation des professionnels adaptée et spécialisée intégrant la prise en charge éducative des mineurs isolés étrangers est indispensable, autant dans la formation initiale que la formation continue.
Ces objectifs seront d’autant plus faciles à obtenir, si l’Etat et les collectivités territoriales considèrent que la prise en charge des mineurs isolés étrangers, n’est pas seulement une charge, mais un investissement sur l’avenir pour favoriser le développement d’une France multiculturelle, un monde meilleur et solidaire, s’inspirant de ce vieux proverbe Africain : « le monde ne nous a pas été donné par nos parents, mais prêté par nos enfants ».

Claude ROMEO
Cadre de direction de l’Action Sociale
Ancien directeur de l’Enfance et la Famille en Seine St Denis
Ancien Président de l’ANDASS