Vivre dans un monde CPOMisé
Le Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens est, sans conteste, perçu comme une avancée positive dans les modes de régulation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Deux décrets de décembre 2015 généralisent d’ailleurs les CPOM aux établissements accueillant des personnes en situation de handicap et aux Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, preuve de leur succès tant auprès des administrations que des gestionnaires.
Certes, nous avons vu des CPOM avec un grand « O » (des objectifs pléthoriques qui placent l’établissement sous contrainte) et avec un petit « m » (des moyens insuffisants et parfois même en diminution).
Cependant, l’intelligence du CPOM, tel que pensé par la loi 2002-2 et précisé par le célèbre décret d’octobre 2003 (pour ceux qui s’intéressent à la tarification des ESSMS !), est bien de lier ensemble les objectifs poursuivis et les moyens pour y parvenir. A l’usage, ce nouvel outil de gestion offre de réelles marges de manœuvre aux gestionnaires.
Mais finalement, n’est-ce pas le « P » qui pose le plus problème ? P comme pluriannuel que les autorités de contrôle et de tarification interprètent comme un programme. La notion de Programme est-elle compatible avec le code génétique des ESSMS ? Le programme n’est-il pas la réduction du projet à sa stricte forme instrumentale, risquant ainsi de tuer son ambition, de l’enfermer dans une mécanique qui n’a plus grand chose à voir avec le but poursuivi ?
Dans un monde social et médico-social entièrement « CPOMisé », nous ne pourrons plus entreprendre que ce qui est Prévu, Programmé, Planifié, Paramétré… Pas de place à l’improvisation (qui est pourtant parfois synonyme de créativité), ni à l’initiative (qui est pourtant parfois synonyme d’innovation), ni à l’ajustement constant aux réalités de l’expérience vécue (qui est pourtant parfois la condition de la réussite), ni aux transgressions salutaires quand il s’agit de sortir des sentiers battus (qui est pourtant parfois la condition de la réponse aux besoins).
Finalement, ne vaut-il pas mieux assumer l’incertitude des lendemains pour continuer à inventer de nouveaux chemins que d’être sécurisés par des CPOM et ne plus pouvoir imaginer d’autres voies ?