Une allocation de ressources pour tous ?
La campagne électorale bat son plein. Il y est question d’un revenu qui porte des noms divers selon les programmes des différents candidats. Essai de repérage :
« Universel », fait implicitement référence aux Droits de l’Homme. Chacun aurait droit à un revenu quelle que soit sa condition ou sa situation.
« Citoyen », évoque subrepticement la question du droit d’accès à ce revenu en introduisant l’idée que son versement s’inscrit dans le contrat social, c’est-à-dire dans la réciprocité des liens.
« Inconditionnel », introduit la question des modalités de versement de l’allocation. Quel que soit l’état du bénéficiaire, c’est sans formalité que chacun y ouvre droit.
« D’existence », pose le principe de ce revenu comme un moyen de survie offert à ceux qui ne peuvent seuls, ou par les revenus de leur travail, subvenir à leurs besoins fondamentaux.
« De base », limite la portée du projet à la fusion des aides sociales qui unifie les minimas sociaux en une seule prestation. Ce pourrait être une sorte de « salaire des pauvres ».
Les termes utilisés pour désigner cette aide défendue par plusieurs candidats ne sont pas neutres et recouvrent des projets politiques très différents. Il en est de même quand il s’agit de se mettre d’accord sur le montant de l’allocation. Celui-ci oscille de 5 à 600 euros, qui équivalent à peu près aux montants du RSA, jusqu’à plus de 1000 euros pour les plus généreux. Le seuil de pauvreté avoisinant les 800 euros, chaque montant positionne les bénéficiaires sur une échelle sociale explicite.
Un autre positionnement concerne la possibilité, ou non, de cumul avec diverses allocations existantes (allocations familiales, chômage, aides au logement, RSA, bourses scolaires, retraite de base, etc.), chaque exclusion créant ou supprimant une catégorie d’ayants droit. Mais c’est le cumul avec le salaire qui est l’option la plus déterminante car elle introduit une mutation profonde du rapport au travail, de la flexibilité de l’emploi, voire du rapport à soi et à son projet de vie.
Enfin, la critique fait rage quant au financement de cette mesure dès qu’elle dépasse les aides déjà versées. Là, le clivage est radical entre les montages qui réifient les nécessiteux dans une visée néolibérale et ceux qui cherchent un rééquilibrage des richesses en faisant payer, par l’impôt, ce qui sera dépensé au nom de la justice sociale.
Finalement, l’intérêt de ce vaste débat qui recoupe étroitement les idéologies politiques en présence, est d’ouvrir une controverse sur le lien social et la conception de la place de chacun dans la société. Selon les options, il en ressort une plus ou moins forte discrimination, des degrés différents de stigmatisation et, peut-être, l’espoir d’une société où le droit commun l’emportera sur la base de notre commune humanité.
Un des intérêts de ces périodes précédant les élections ne réside-t-il pas dans ces débats de fond sur les conceptions de choix de société qu’impliquent les politiques énoncées ?