Tempête chez les syndicats employeurs de la branche sanitaire et sociale ?
La Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées (FEGAPEI) et le Syndicat des employeurs associatifs de l'action sociale et médico-sociale (SYNEAS) ont fusionné dans un syndicat employeur unique : NEXEM[1].
La mode est aux fusions : tout le monde s’y colle. La réforme des règles de la représentativité patronale pousse à une stratégie de regroupement afin de peser plus lourdement dans le dialogue social national. C’est également le sens de l’adhésion à l’Union des Employeurs de l’Economie Sociale (UDES) qui permet d’accéder – ou d’envisager d’accéder – aux tables de négociations nationales et régionales. Le choix de Nexem est donc une opportunité pour recomposer le dialogue social d’un secteur réputé pour être engoncé dans les vieux réflexes d’une dialogue social trop longtemps placé sous tutelle de l’Etat et peinant à convoquer la responsabilité tant des employeurs que des syndicats salariés.
Nexem sera « le » syndicat employeur représentatif de la convention collective nationale du 15 mars 1966 – CCN66 – (idem pour celle que l’on appelle « accords CHRS »). Mais qu’en sera-t-il pour la Branche Associative Sanitaire, Sociale et Médico-sociale (BASS) ? Là, l’Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED) est mise à mal. Les anciennes alliances entre les différentes organisations d’employeurs se recomposent soit sous forme de nouveaux regroupements (Nexem + Croix Rouge Française) de séparations (Unicancer, le syndicat de la ligue contre le cancer, souhaiterait aller vers la Fehap ?), soit encore sous forme de concurrence ouverte (entre Nexem et la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne Non Lucratifs – FEHAP).
Un autre enjeu vient s’ajouter à cette lutte des places : l’avenir de l’Organisme Paritaire Collecteur Agréé (OPCA) de la branche qui se nomme « Fonds d'assurance formation de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif » (UNIFAF pour faire simple). Qui prendra la main sur la politique de formation continue du secteur, qui maîtrisera les fonds substantiels gérés et le pouvoir d’influence qui y est associé ?
Pour couronner le tout, en filigrane de ces recompositions se pose l’avenir de la CCN66. En effet, le niveau de représentation atteint par Nexem lui donne le pouvoir de dénoncer unilatéralement la convention, sans avoir besoin de l’unanimité des membres d’UNIFED. L’ambition est de créer une convention collective unique de branche étendue (CCUE) qui moderniserait le cadre conventionnel en l’adaptant aux enjeux actuels et rendrait incontournable l’application de la convention dans le champ d’activités couvert. De manière annexe, cette perspective, qui ne manquera pas de lever l’indignation des syndicats salariés si des acquis sont remis en cause, pose la question de l’avenir de l’autre grande convention du secteur : la CCN51.
Jusque-là, vous avez suivi ? En fait, ce qu’il faut retenir de cette « usine à gaz », c’est que tout le petit village gaulois du social, médico-social et sanitaire bouge ses lignes. Mais cette comparaison avec Astérix n’est pas fameuse. Car ce n’est pas en Gaule que cela se passe mais à Lutèce, exclusivement à Lutèce.
Vu du terrain, les salariés, et certaines associations adhérentes, ont le sentiment que tout se joue dans le microcosme parisien, entre les directeurs généraux et les présidents, dans les antichambres des cabinets ministériels, par des négociations bilatérales dont personne ne cerne ni les protagonistes ni ce qui est réellement discuté.
Pendant ce temps, les professionnels s’épuisent dans des conditions de travail de plus en plus tendues (restrictions budgétaires obligent), ils constatent la stagnation de leurs rémunérations depuis maintenant plus de cinq années consécutives, ceux qui sont classés dans les premières grilles indiciaires se voient maintenant rattrapés par le SMIC ce qui remet en cause l’effort de qualification qu’ils ont fait. Bref, chacun a le sentiment que ces grandes manœuvres des appareils passent simplement à côté de l’essentiel au moins sur deux aspects :
- Prendre en compte la condition des salariés du social, médico-social et sanitaire et leur porter une réelle reconnaissance dans un cadre conventionnel qui, s’il doit être actualisé, doit surtout les sécuriser dans leurs positionnements professionnels (y compris au plan salarial).
- Affirmer une véritable perspective politique à ces recompositions, fixer une finalité ambitieuse aux acteurs non lucratifs du social qui éviterait de laisser penser que tout cela n’est qu’un jeu de pouvoirs.
[1] Ne cherchez pas de signification à « Nexem » : Ni sigle, ni acronyme, Nexem est conçu comme une marque, en rupture avec les usages du secteur ont expliqué les initiateurs de cette fusion-création.