Réenchanter l’action sociale

Dans une tribune de la revue « Direction(s)[1] », Bernard Lemaignan propose des pistes aux dirigeants pour « réenchanter le secteur ». Il constate que « l’intervention sociale s’est ‘’naturalisée’’, normalisée, comme un acteur parmi d’autres de l’industrie de service. Elle ne bénéficie plus du privilège d’exceptionnalité qui faisait de ses professionnels les hérauts de la relation humaine. Et l’image vertueuse qui l’a longtemps précédée s’érode. Le secteur et ses acteurs ne jouissent plus de cette présomption de plus-value éthique qui lui tenait lieu de légitimité. » Pointant l’idéologie qui alimente cette assimilation de l’action sociale à n’importe quelle activité d’ordre économique et social, l’auteur propose de « réenchanter la cause de l’intervention sociale ». « Ce sont les hommes et les femmes d’aujourd’hui qui, par leur style, leurs mots, leurs attitudes, leur présence, donneront du souffle à un secteur qui s’essouffle. » Il conclut que cette voie suppose, pour tout professionnel du social, d’être, notamment, « sujet de courage, responsable, c’est-à-dire capable d’engager, de s’engager, d’entreprendre, puis d’endosser les conséquences de son entreprise. »

Ne retrouvons-nous pas, dans ces termes, l’intuition fondatrice du réseau « Repolitiser l’action sociale » ? Nous ne pensons pas que les institutions doivent d’abord  changer pour agir mais que c’est par le changement de position des acteurs de terrain que l’action sociale se transformera. Nous sommes convaincus qu’il ne suffit pas de dénoncer, voire de résister, qu’il faut agir dès aujourd’hui en changeant de style, de mots, d’attitudes, de formes de présence. Le souffle qui résultera de ce mouvement ouvrira un débat authentiquement politique sur l’action sociale. Les textes fondateurs de notre réseau appellent, eux aussi, à la responsabilité, à l’engagement, à la capacité « d’endosser les conséquences de son entreprise. » L’auteur de la tribune de « Direction(s) » ne cite pas la nécessité de repolitiser l’action sociale comme condition du réenchantement du secteur, c’est pourtant bien là une condition nécessaire, même si elle est insuffisante, pour ouvrir l’avenir.

 

[1] Direction(s), n°151, mars 2017, « Quel dirigeant être pour réenchanter le secteur ? », p.42-43.