Quel avenir pour le secteur associatif gestionnaire ?
Depuis quelques années les mouvements législatifs, les contraintes budgétaires, les évolutions sociétales viennent interroger la construction associative telle qu’elle s’est construite dans le secteur social et médico-social depuis la loi de 1905 qui a dessiné le paysage organisationnel Français en matière d’organisation et de projets.
L’engagement militant, qu’il soit d’ordre religieux ou laïc, qu’il soit inspiré par tel ou tel mouvement philosophique ou par de nouvelles recherches théoriques, a guidé le dynamisme des bénévoles et des professionnels pour la mise en œuvre de réflexions murement élaborées, prenant en compte une frange repérée de la population en difficulté particulière.
On peut dater du milieu des années 70 le basculement qui donna le coup d’envoi d’une recomposition qui n’a toujours pas trouvé d’équilibre repérable.
La crise pétrolière a sonné le glas des trente glorieuses et avec elle la remise en question de la manne redistributive des richesses de l’Etat. Le rapport RCB (Rationalisation des Choix Budgétaires) est d’ailleurs venu en fin de décennie, annoncer les changements qui allaient s’amorcer.
Est-ce à dire que la clarification des missions (par les lois de 75 notamment), l’attention particulière portée par les ministères à l’emploi des subsides pour l’action sociale et médico-sociale auraient eu raison de l’engagement des personnes ? Il serait sans doute raccourcir l’analyse que de la limiter à ces éléments. L’évolution de la société dans son ensemble a autant contribué aux mutations du secteur associatif gestionnaire que la fin d’une époque décrite comme riche.
Le développement du nombre d’associations a donc vécu un coup de frein et le nombre de militants bénévoles aussi. La compétence gestionnaire et administrative est devenue une obligation pour toute structure du secteur. Diminution progressive des bénévoles, responsabilités grandissantes des dirigeants, contrôles accrus, multiplication de textes législatifs contraignants, ont entrainé un écart croissant entre les structures d’origine et les nouvelles formes d’organisation à inventer.
Le discours du secteur a masqué, derrière la diminution des moyens, les changements fondamentaux qui se dessinaient. Bien utile pour éviter une analyse plus fondamentale, cet élément d’ailleurs fallacieux (si le contrôle sur les moyens et la limitation des augmentations budgétaires sont bien réels, voire la réorientation de certaines actions, l’ensemble du secteur n’a pas eu à souffrir d’une diminution drastique des subsides ces dernières décennies) a empêché de penser les changements à réaliser (le développement de cette réflexion pourra faire l’objet d’un prochain billet).
De la concurrence sauvage (modèle libéral en vogue), aux regroupements quelquefois anarchiques, en passant par les jeux politiques (au sens large et étroit du terme), les instances gestionnaires d’établissements et services vivent des expériences souvent frénétiques, parfois hégémoniques ou boulimiques, la plupart du temps incapables de repenser collectivement leur engagement sur un territoire, avec les autres groupements.
Ainsi le secteur se recompose dans une joyeuse anarchie, répondant aux attentes supposées des services de l’Etat, de devenir des outils de gestion de politiques publiques (les appels à projets en sont une forme de témoignage).
Certes la compétence est nécessaire, sans doute les évolutions législatives issues des mutations sociales ont nécessité des adaptations structurelles, mais qu’en est-il d’une pensée politique de l’ensemble du secteur pour faire valoir la complémentarité des actions ?
La négociation intelligente visant à recomposer et à réinventer le secteur, permettrait peut-être de réinventer un militantisme fatigué et de laisser libre court à des pensées créatives fécondes. Quels sont les freins à cette démarche sinon une concurrence entre les grandes associations et fédérations nationales et régionales ? La concurrence peut être mobilisatrice de projets novateurs, elle peut aussi représenter une assimilation du secteur social et médico-social au secteur marchand ; ce peut être une évolution souhaitée par certains ou une crainte pour d’autres.
Quelques expériences émergent ici et là de concertation, collaboration, innovation dans les modes de communication entre les associations ou fédérations pour poser de nouvelles bases structurelles visant à de nouvelles réponses.
Ne serait-ce pas une obligation plus qu’une expérience qui guide ces initiatives ? Obligation de changer nos relations, changer nos objectifs d’actions pour revenir aux fondamentaux de nos missions ?
Ne pas apporter de réponses à ces questions risquerait de laisser la gestion envahir, voire étouffer, des modes d’engagement citoyen au service des personnes les plus en difficulté.
Un nouveau défi pour le monde associatif qui a su par le passé en relever d’aussi difficiles. Le jeu en vaut la chandelle mais il commence maintenant et nécessite au moins l’engagement de tous, administrateurs et professionnels, pour réécrire les nouvelles règles pour demain.