Politique de l’indifférence, politique de l’ignorance : où va la démocratie ?
Une des menaces de la démocratie est l’indifférence. Les citoyens, renvoyés à eux-mêmes dans le « souci d’être soi », se désintéressent du « bien commun » et ne s’inscrivent plus, individuellement et collectivement, dans le principe républicain de fraternité. Le sort de l’autre n’est plus une question politique et le « vivre ensemble » se réduit à n’être plus qu’un « vivre pour soi ».
C’est dans une relative indifférence – à l’exception des associations militantes mobilisées sur le terrain et de quelques manifestations xénophobes aux relents nauséabonds – que le gouvernement a « vidé » la jungle de Calais (le langage politiquement correct incite à parler de la « lande de Calais »). Le trop plein médiatique ne doit pas nous tromper. Aucune dénonciation des conditions indignes que la France réserve aux exclus de la planète, la condescendance a partie liée avec l’indifférence. Nous assistons, en direct, à l’évènement d’une politique de l’indifférence qui alimente tous les replis identitaires. L’indifférence est l’ombre portée de l’ignorance.
L’ignorance est la seconde menace majeure pour la démocratie. Les philosophes des lumières, préparant dans le monde des idées ce qui deviendra la Révolution française, l’avaient bien compris : la démocratie est indissociable de la connaissance. C’était le sens de l’Encyclopédie entreprise par Diderot et d’Alembert. Les révolutionnaires français auraient-ils pu soupçonner que deux siècles et demi plus tard, le premier ministre de la patrie des Droits de l’Homme puisse déclarer – à propos des auteurs des ignobles attentats qui ont frappé Paris – « Expliquer, c’est déjà vouloir excuser ». Trahissant la culture démocratique indissociable de la connaissance, le chef du gouvernement français recouvre le monde et ce qui s’y passe d’un voile d’ignorance.
L’indifférence comme l’ignorance ne sont pas facteurs de démocratie mais de barbarie ! C’est pour cela qu’il est urgent de repolitiser les débats de société afin que les idées entrent en débat pour construire un monde d’engagement et d’intelligence.