Mineurs Isolés Etrangers : pour aller où ?
La catégorie « MIE » (Mineurs Isolés Etrangers) est apparue sur les écrans radars de l’action sociale bien longtemps après sa constitution réelle dans le jeu inégalitaire des relations économiques et géopolitiques internationales.
Il a fallu, dans les années quatre-vingt-dix, que des travailleurs sociaux en protection de l’enfance du département de la Seine Saint-Denis se mobilisent pour donner de la visibilité à ce public atypique, échappant aux cadres traditionnels d’action. La question de savoir si l’accueil des mineurs isolés étrangers est du ressort de l’Etat (étrangers) ou des départements (mineurs) est posée et devient progressivement de plus en plus prégnante.
Surgit alors sur la place publique ce que chacun savait : les départements sont très inégalement placés devant le phénomène « MIE ». Certains sont surchargés (tels la Seine Saint Denis ou Paris), d’autres n’en voient même pas la couleur… Jean-Louis Tourenne, Président du Conseil Général d’Ile et Vilaine, qui en assume actuellement 450 en file active, sonne l’alarme et prône, dans le cadre du « dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs étrangers isolés » une répartition équitable entre les départements.
C’est que tentera[1] de régler la circulaire TAUBIRA et le protocole signé avec l’assemblée des départements de France le 31 mai 2013[2]. Au même moment Jean Arthuis, Président du Conseil Général de Mayenne, secoue le cocotier en annonçant qu’il n’accueillera plus aucun mineur étranger isolé ! Décision fort heureusement remise en cause sous l’autorité républicaine de notre « patrie des droits de l’Homme ».
Les départements tentent désormais de trouver des réponses adaptées, les uns soulagés de partager la « charge », les autres confrontés à une question nouvelle soit par les volumes à « traiter » soit par les problématiques à accompagner. Une fois de plus, concernant les questions d’immigration – qu’elle soit économique ou politique – nos dispositifs réagissent le dos au mur, devant la contrainte et la nécessité, là où une ambition humaniste aurait dû s’affirmer.
Accueillir et accompagner les Mineurs Isolés Etrangers certes, mais pour quoi ? Pour quel avenir ? Quelle est la commande ? S’agit-il de socialiser ces jeunes dans le contexte de l’Europe ? Alors que la régularisation de leur situation à leur majorité pourrait déboucher sur une obligation à quitter le territoire national… S’agit-il d’acculturer ces nouveaux habitants ? Alors qu’ils ne sont ici qu’à défaut d’avoir pu rester dans leur pays d’origine… S’agit-il d’intégrer ces jeunes à la société française ? Alors que leur attirance vers notre pays repose essentiellement sur un mythe entretenu quant aux pays développés…
Ces dispositifs souffrent de l’absence d’une véritable perspective politique qui relierait l’ambition nationale, fondée sur les droits de l’Homme, à un projet d’action tendant à corriger les déséquilibres géopolitiques et économiques pour assurer un avenir digne à tous les « terriens »…
[1] La situation est actuellement bloquée. Pas moins de 130 jeunes par exemple sont en attente d’affectation au départ de Paris.
[2] Chaque département est désormais tenu d’accueillir des MIE à proportion de la part qu’ils représentent nationalement des jeunes de moins de 19 ans. Ainsi, l’Isère, qui représente 2% des moins de 19 ans doit accueillir 2% du total des jeunes étrangers isolés accueillis chaque année en France. C’est ainsi que cet été, près de 500 jeunes ont déjà été accueillis et orientés selon ce système (avec une prise en charge par l’État des cinq premiers jours d’accueil et d’orientation).