Lutter contre les inégalités !

A propos de la lutte contre les inégalités, Patrick Doutreligne, Président de l’UNIOPSS[1], interrogeait dans Union Sociale[2] « A quoi bon défendre l’emblème de notre République, si nous ne mettons pas tout en œuvre pour atteindre cet objectif qui a souvent motivé la création, puis le développement de nos associations ? »

C’est un fait, l’action sociale est née de la volonté de lutter contre les inégalités, chaque fois que celles-ci se sont creusées dans notre histoire républicaine, l’action sociale s’est trouvée renforcée par de nouveaux dispositif d’intervention. Ce fut le cas dès la fin du XIXème siècle pour compenser les effets de la révolution industrielle. On peut encore citer, pour mémoire, les mesures prises à la sortie de la seconde guerre mondiale pour tenter d’endiguer la pauvreté endémique résultant du conflit, pour les jeunes (ordonnance de 45), les vieux (assurance vieillesse), les ouvriers (sécurité sociale). On peut repérer aussi  l’immense effort des trente glorieuses dans le champ du handicap sous l’effet, notamment, du mouvement parental. Plus récemment, ce furent, entre autres, l’instauration du RMI et la loi de lutte contre les exclusions qui fermaient un XXème siècle qui n’avait pas tenu toutes ses promesses égalitaires. Beaucoup d’autres moments historiques seraient à identifier qui confirment que l’action sociale s’est toujours développée devant les défis que pose la lutte contre les inégalités.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’entame de notre XXIème siècle offre une capacité d’expertise jamais atteinte sans pour autant que ces constats soient pris en compte en termes de réponses soutenues par la puissance publique alors même que la richesse brute du pays présente de réelles possibilités. Les inégalités territoriales ont rarement été aussi flagrantes (Cf. les « révoltes » récentes en Seine-Saint Denis), les freins à l’accès à l’emploi aussi majeurs (Cf. l’évolution du taux d’inactifs en France), les injustices en matière de logement aussi criantes (Cf. le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre), la lutte contre les exclusions aussi en panne (Cf. les mises en garde du collectif Alerte sur l’enlisement du plan de lutte contre les exclusions), la santé des précaires aussi menacée (Cf. l’appel de Médecins du Monde pour la campagne présidentielle), la situation des demandeurs d’asile aussi fragile (Cf. les effets induits par le démantèlement de la « jungle de Calais » ou la situation des mineurs étrangers non accompagnés mise en exergue par le défenseur des droits), etc., etc.

Devant ces nouveaux défis qui mettent un peu plus à mal le principe premier de la devise républicaine – Egalité – l’action sociale se trouve confrontée à la confiscation des initiatives par la seule puissance publique (Cf. l’effet pervers des logiques d’appels à projets), à la raréfaction de ses ressources (Cf. l’évolution négative des dotations dans certains secteurs tels les CHRS), à une territorialisation de l’offre qui l’enferme dans des jeux concurrentiels entre collectivités (Cf. conflits de compétences) et entre opérateurs (Cf. l’effet pervers du principe de concurrence), à une « industrialisation » de l’offre (Cf. les phénomènes de concentration des gestionnaires et de standardisation des pratiques), etc., etc.

En ces temps de campagnes électorales, comment expliquer le silence assourdissant des candidats, toutes tendances confondues, en matière de lutte contre les inégalités ? N’y-a-t-il pas urgence à faire de l’action sociale une véritable question politique afin de lui rendre son fondement historique et politique : la lutte contre les inégalités ? Et ainsi, de lui rendre sa capacité d’initiative dans une société qui reste, envers et contre tout, inégalitaire ?

 

[1] Union Nationale Interfédérale des Organismes Privés Sanitaires et Sociaux.

[2] Revue du réseau Uniopss – Uriopss n°305, mars 2017.