Les contrats à impact social

Les « Social impact bounds » ont été instaurés dans les pays anglo-saxon, sur un fondement néo-libéral, pour, officiellement, assurer le financement d’initiatives sociales. Officieusement, ce mode de contribution participe d’une marchandisation de l’action sociale, le capitalisme n’omettant aucune initiative susceptible de lui permettre d’étendre sa logique de marché à tous les domaines d’activités.

Le gouvernement Valls – qui « aime les entreprises »– a décidé d’importer la méthode sous la houlette de Martine Pinville, secrétaire d’Etat, entre autres, chargée de l’économie sociale et solidaire. Au grand dam de la volonté « d’entreprendre autrement », les contrats à impact social font l’objet d’un appel à projets auprès des acteurs du secteur social et médico-social, de ceux qui sont de véritables « entrepreneurs ».

De quoi s’agit-il ? C’est simple :

  1. Un promoteur a une idée innovante en matière d’intervention sociale, initiative qui, du fait de son aspect innovant améliorerait l’accompagnement social ou médico-social de certains publics, donc susceptible de faire réaliser des économies aux pouvoirs publics.
  2. Un investisseur prend le risque de financer l’opération en passant contrat avec la collectivité concernée par la charge budgétaire et avec le promoteur : des objectifs chiffrés sont fixés en termes de résultats.
  3. Une fois l’action déroulée, on fait les comptes :
    1. Si les objectifs d’économies ne sont pas atteints, l’investisseur perd sa mise ;
    2. Si les objectifs sont atteints, l’investisseur récupère sa mise par la collectivité qui le rémunère sur une part des économies engrangées ;
    3. Si les objectifs sont dépassés, l’investisseur peut voir son gain accru par une plus-value.

De nombreuses voix s’insurgent contre ce dispositif : « En effet, il n’est pas normal qu’une éventuelle économie réalisée par la collectivité constitue un profit pour les financeurs. Par ailleurs, il est vraisemblable que ces derniers s’intéresseront davantage à des opérations dont le résultat sera facilement quantifiable qu’à d’autres aux bénéfices plus diffus.[1] »

La Sauvegarde du Nord a, dans le cadre des contrats à impact social, mis en place un programme visant à intensifier l’action éducative en milieu ouvert afin de réduire le nombre d’enfants placés. La critique de Jean-Claude Boual, publiée dans Jurisassociations, est sans appel : « Mais alors que chaque cas est bien spécifique et qu’il requiert du temps et des interventions pluridisciplinaires, ce projet fait fi à la fois de la législation et de la question de la responsabilité en cas de drame familial ainsi que du travail socio-éducatif et de son éthique. L'objectif chiffré d’éviter le placement incite l’éducateur à se priver de l’outil éducatif pourtant nécessaire. Ce contrat à impact social fondé sur une action de court terme et privilégiant une approche de réduction des dépenses induit de fait une augmentation des risques sociaux et ne sera source d’aucune économie pour le département du Nord. [2]» A suivre quand le recul du temps permettra de juger les effets, possiblement pervers, de ce système de financement qui n’a rien de révolutionnaire : dans les entreprises capitalistes, on appelle ça le « capital risque ».

 

[1] Thierry Guillois, Avocat, cabinet PDGB, président de la commission juridique et fiscale du HCVA « A qui profitent les contrats à impact social ? » Jurisassociations n°544 du 15/09/2016

[2] Jean-Claude Boual, Président du collectif des associations citoyennes, « Décidément « non » aux contrats à impact social ! » Jurisassociations, Op. Cit.