L'échec du revenu de solidarité active ?
Une étude du Centre d’Etude de l’Emploi (CEE), rendue publique récemment, met en évidence le double échec de ce programme public qui visait tout à la fois la réduction de la pauvreté, et le retour vers l’emploi en évitant, notamment, les facteurs de « trappes à inactivité ». Rappelons que le RSA dispose de deux volets. Le premier, dit « socle » a remplacé le RMI et l’API, avec un montant et des règles d’attribution qui n’ont pas été fondamentalement modifiés. Le second, dit « activité » a pour objectif de faciliter l’accès à l’emploi (et notamment l’emploi à temps partiel et faiblement rémunéré) en complétant le salaire et en évitant que la reprise d’emploi se traduise par le seul maintien, voire une baisse, des ressources antérieures.
Même si l’étude porte sur l’année 2010, ce qui illustre encore une fois l’une des carences fortes en matière de statistique et de connaissance, ses résultats sont significatifs.
Premier enseignement de ce travail, "le RSA s'est révélé impuissant à réduire significativement la pauvreté", plus encore, le rapport souligne que l’indicateur mesurant la sortie de la pauvreté a été supprimé au regard de la faiblesse des résultats. Bel exemple de manipulation d’un indicateur et d’une forme de déni de la réalité.
Le résultat n’est pas meilleur en ce qui concerne le retour à l’emploi. Le rapport note que près de 70% des bénéficiaires du RSA « socle » qui étaient sans emploi au 1er janvier 2010, l’étaient encore au 31 décembre de la même année. Par ailleurs, le RSA « activité » est très peu sollicité par les bénéficiaires potentiels. L’observatoire du non-recours a déjà mis en lumière que près de 7 bénéficiaires potentiels sur 10 ne le demandait pas (www.odenore.msh-alpes.fr). La complexité des démarches et le caractère discriminant et stigmatisant de cette aide en sont les principales causes repérées.
Du fait de ce constat, un consensus semble se dégager pour réformer ce programme d’autant plus que deux dispositifs concurrents existent pour faciliter le retour à l’emploi et pallier la situation des travailleurs pauvres, le RSA « activité » et la prime pour l’emploi. Un rapport rendu en juillet dernier, a fait un certain nombre de propositions dans un sens de simplification pour améliorer l’efficacité de cette politique. Notamment, le rapport propose de créer une prime d’activité, fusionnant la prime pour l’emploi et le RSA « activité » (Réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activités modestes, Christophe Sirugue, disponible sur le site www.gouvernement.fr).
Pour intéressantes que soient les propositions faites comme la prise de conscience de l’inefficacité d’un dispositif complexe, cette situation, qui concerne potentiellement plus de deux millions de personnes, témoigne à nouveau de la fragilité des dispositifs palliatifs. Certes ceux-ci sont indispensables, fussent-ils insatisfaisants et lacunaires, pour répondre à des situations immédiates. Pour autant, ils ne peuvent faire sens et trouver leur pleine efficacité que s’ils s’inscrivent dans une stratégie visant à actionner d’autres leviers de nature à peser sur les causes des problèmes constatés et donc permettant des réponses durables et, a priori, plus efficaces. Autrement dit, il conviendrait de penser les politiques et programmes sociaux de façon articulée en identifiant les processus conduisant aux situations auxquelles l’on cherche à répondre et les leviers sociétaux qui sont de nature à apporter ces réponses durables, c’est à dire de nature à diminuer la prévalence du problème social identifié tout en améliorant le dispositif pour celles et ceux qui en ont besoin.
Ceci ne signifie pas que ce soit facile, ni que les leviers possibles puissent produire des effets rapides. En l’espèce, c’est à la fois la question de l’emploi, en quantité disponible mais aussi en qualité, et celle des rémunérations qui sont en cause. Les acteurs sont multiples, les intérêts pour le moins en tension, le consensus ou le compromis délicat à établir. Chacun peut mesurer les difficultés d’agir sur ces dimensions. Mais, quelles qu’elles soient, leur existence ne peut justifier l’inaction. La mise dans l’espace public de toutes les données du problème, misant sur la responsabilisation sociale, citoyenne et non sur la seule compassion, est une première étape incontournable. Il y a là une exigence qui aura toute sa place dans le processus des Etats Généraux du travail social.
Centre d’Etude de l’Emploi : "Le pari perdu de la réduction de la pauvreté par le RSA", Bernard Gomel (CEE), Dominique Méda (Irisso, université Paris-Dauphine) et Evelyne Serverin (Centre de théorie et analyses du droit, Nanterre), Connaissance de l'emploi n° 105, juin 2013 (www.cee-recherche.fr)