Internats éducatifs : Le respect de l’intimité des jeunes comme indicateur de reconnaissance
La problématique de l’intimité des jeunes dans les internats éducatifs est difficile à traiter. Pour faire simple, elle se trouve en tension entre deux dimensions : d’une part la nécessité de respecter la vie privée des personnes et donc de ne rien faire qui porterait atteinte à cette liberté fondamentale ; d’autre part, l’obligation générale de sécurité qui impose un contrôle précis des jeunes accueillis afin d’empêcher tout mise en danger.
C’est donc, semble-t-il, à un véritable dilemme que sont quotidiennement confrontées les équipes éducatives d’internat. Celui-ci se manifeste explicitement quand il s’agit, par exemple, d’entrer dans la chambre d’un jeune. Que faire si la demande, manifestée par les coups portés sur la porte, n’obtient pas de réponse ou un refus ? Quelle attitude adopter si l’on a un doute quant à la présence du jeune dans sa chambre (fugue) ? Quel risque prend on de faire irruption dans l’intimité du(des) jeune(s) en pénétrant dans son(leur) espace privé ?
Considéré isolément, la question du respect de l’intimité de la chambre est souvent un problème insoluble. Traité en équipe, il renvoie souvent dos-à-dos les partisans de la sécurité et ceux de l’autonomie.
C’est pourquoi il est nécessaire d’envisager les questions posées avec un peu plus de recul. L’intimité de la chambre qui doit équilibrer la sécurité du jeune qui y vit et l’autonomie qui doit lui être garantie renvoie à la problématique plus large de la reconnaissance.
C’est en effet la reconnaissance du sujet qui se joue derrière la question de l’intimité. Le jeune n’est pas objet de soins mais sujet d’une relation qui vise son épanouissement. Il s’agit donc de créer les conditions d’une reconnaissance qui conforte son autonomie tout en développant chez le jeune sa capacité à ne pas se mettre en danger. C’est par la confiance que se construit cette dynamique libératrice. Plus le jeune se sent reconnu dans sa capacité d’agir pour lui-même, pour son bien, et dans le respect d’autrui, plus il est enclin à respecter un cadre de règles. Car ce cadre ne représente pas une contrainte mais la condition de son autonomie. Ce qui suppose d’en assumer les contraintes et les dépendances qu’il implique.
Cela suppose que ce soit très en amont de la question de l’entrée dans la chambre, très en aval aussi de cet acte banal, que soit posé le respect de l’intimité. C’est toute l’organisation éducative de l’internat qui doit être pensée selon ce principe essentiel de la reconnaissance : procédures internes (admission, règles, fonctionnement, architecture…) et externes (relations, liens à l’environnement, transmission d’informations, gestion des partenaires…), modes de vie (courtoisie, gestion des sanctions, convivialité, langage…) et activités (art de prendre soin, divertissements, organisation…).
Incorporé dans un ensemble cohérent où toutes les pratiques sont conçues et finalisées autour de cet objectif ambitieux, alors le respect de l’intimité s’inscrit naturellement comme un élément parmi d’autres qui participe pleinement de l’œuvre éducative. C’est la condition pour que le respect de l’intimité ne soit plus un dilemme, simplement un indicateur utile de la bonne santé de l’internat qui associe intimité et sécurité.
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