Institution / Désinstitution : comment construire la cohérence de l’action sociale et médico-sociale pour demain ?

Les mouvements en cours et les tendances lourdes engagées déjà depuis plusieurs années visent à une « désinstitutionnalisation » des organisations d’action sociale et médico-sociale.

Il est vrai que depuis plusieurs années, la notion d’Institution avec la force de référence que pouvait recouvrir ce concept ne représente plus dans l’imaginaire, les bases de construction du sujet, les formatages de la pensée, l’appartenance à un groupe quelque peu figé. L’église, l’armée, l’Etat, les grandes administrations, se reconstruisent en prenant de la distance avec une certaine idée de transcendance de leur mission. Il serait d’ailleurs intéressant d’analyser les tendances en cours dans certaines parties du monde sur le retour d’idéologies fortes et coercitives pour toute une population, reniant le phénomène démocratique et la liberté de pensée et d’agir. Mais ceci serait une tout autre réflexion….

Pour en revenir à notre espace professionnel spécifique, l’interrogation sur la désinstitutionnalisation qui agite le secteur ouvre, au-delà des formes organisationnelles qui se dessinent, une voie sur une conception différente et nouvelle du concept d’institution. Reprendre les fondements de la fonction institutionnelle, en tant qu’instituant de la personne humaine, pourrait amener à concevoir de nouvelles formes d’organisation dans lesquelles les structures matérielles ne seraient plus prioritaires.

Si l’Institution a perdu de sa transcendance, elle a cependant des atouts nécessaires pour assurer la cohérence des actions. Des valeurs morales, des théories, des techniques, des références législatives et réglementaires, des règles, des relations, des équipements matériels, des compétences professionnelles, se conjuguent pour réaliser des projets argumentés visant au mieux - être de personnes en difficulté sociale, sanitaire et/ou médico-sociale.
Mais si l’institution peut aider à la construction de l’individu, à donner sens aux relations qui s’instaurent dans le cadre d’un projet communément partagé, à fédérer les actions, autour d’énergies additionnées, à mobiliser les forces autour d’idées, d’idéaux partagés, elle peut aussi se contenter de « gérer » au mieux des moyens humains et matériels, formater une pensée, imposer une ligne de conduite, enfermer l’individu dans une « vérité » ne laissant pas de place au débat.

Ainsi, le regroupement d’être humain sous « égide » Institutionnelle, nécessite de la réflexion, de l’inventivité pour répondre aux personnalités complexes accueillis dans les différentes structures, un accompagnement attentif des professionnels, sécurisant et non enfermant, une écoute constante, une dynamique visant à favoriser l’inventivité, l’adaptabilité.

La prise en compte, relativement récente des usagers et de leurs familles vient enrichir et transformer cette conception institutionnelle repliée sur elle-même. La force d’une pensée démocratique de l’institution vient conforter son rôle éminemment constructif d’un vivre ensemble. Loin d’une palette de prestation offerte aux demandes, l’institution assure, dans ou hors les murs, une réflexion collective, souple et adaptable, permettant d’associer tous les acteurs aux objectifs, enjeux et moyens mis en œuvre.

La société, en ce qu’elle associe des individus à une appartenance à des valeurs communes, oblige chacun des citoyens à élaborer ses actions professionnelles au regard d’une conception politique mise en débat constant.
Véritable défi pour l’action sociale et médico-sociale de demain, la question de la désinstitutionnalisation, pour inventer un nouveau contenu au concept d’institution, devra interroger les associations dans leurs fondements, les organisations dans leur construction démocratique, les relations professionnels /usagers au-delà d’un rapport de pouvoir ou de prestation de service.
Réflexion dont devrait s’emparer toute personne engagée dans des actions au service d’un mieux-être individuel et collectif.