Fichier TES : Titres Electroniques Sécurisés

Le gouvernement vient de valider la création d’un fichier unique regroupant en une seule base toutes les données des détenteurs de passeports ou de cartes d’identité, soit 60 millions de français, dans le but de lutter contre la fraude aux documents administratifs et de simplification administrative.

Cette décision – à laquelle les élus socialistes, alors dans l’opposition, s’étaient pourtant opposés sous la présidence de Nicolas Sarkozy – a soulevé les craintes de la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, de fortes réserves de la Commission Nationale Informatique et Libertés, les critiques du conseil national du numérique, le ferme refus de la Ligue des Droits de l’Homme, l’opposition du syndicat de la magistrature, etc.

Un méga-fichier est un risque pour la démocratie car personne ne sait qui sera demain aux manettes de son exploitation et là, tous les possibles sont ouverts à quelques mois d’élections majeures pour le pays. C’est aussi un risque car les données n’ont de sens que par l’usage qui en est fait et, en ce domaine, tout devient possible au regard de l’évolution des techniques d’information et de communication. C’est enfin un risque car la sécurité des données est de plus en plus aléatoire à l’heure où les Etats se préparent à se livrer des guerres numériques et où le terrorisme s’intéresse au piratage comme mode d’action.

Mais même si notre démocratie reste vertueuse, si nos valeurs républicaines réussissent à garantir le bon usage des données nominatives personnelles et si nous parvenons à les prémunir de toute attaque malveillante, le fichier TES reste un risque majeur pour les personnes les plus fragiles de l’ordre social.

Ce ne sont pas les bons français « intégrés, travailleurs et honnêtes » qui vont constituer la partie sensible de l’exploitation croisée des données d’identification. Les partages et recoupements inédits que permettra ce monstre numérique vont d’abord concerner, tout naturellement, ceux qui éveillent le soupçon : les resquilleurs des minimas sociaux, les affabulateurs de l’authenticité de leurs origines françaises, les marginaux de l’emploi durable et légal, les errants instables qui bidouillent leurs ouvertures de droits, etc.

Tous ont à craindre avec TES, mais plus particulièrement les « salauds de pauvres[1] » !

 

[1] Expression utilisée par Grandgil (Jean Gabin) dans le film de Claude Autant-Lara « La Traversée de Paris » (1956).