Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes : un quartier dans la cité !
Comment s’est recomposée, ces dernières décennies, la représentation sociale des âgés ? De nombreux facteurs ont radicalement modifié les conceptions : L’évolution massive de la démographie qui fait craindre aux plus jeunes de vivre dans une société de vieux ; Le « jeunisme » ambiant qui ne reconnaît plus la sagesse des anciens ; L’injonction à la performance qui laisse moins de place aux inactifs ; La ségrégation urbaine qui complique la cohabitation intergénérationnelle ; Le déficit du système de retraite qui remet en cause les échéances de la vie professionnelle ; Les modes de vie qui rendent insoluble la solidarité familiale à l’égard des parents ; La maladie d’Alzheimer et les troubles de la désorientation qui y sont associés qui rendent le grand âge à la fois terrifiant et complexe à prendre en charge ; Etc.
Au fil de ces évolutions, les structures destinées à accompagner les personnes âgées dans leur vieillissement ont évolué. Les Foyers résidence et autres Maisons d’Accueil Pour personnes Âgées se sont progressivement reconvertis pour prendre en charge des personnes dépendantes. Aux sections de cure médicale se sont substitués les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (Ehpad). Ces mêmes Ehpad ont créé en leur sein des « secteurs Alzheimer » (ou cantous), des Pôles d’Activité et de Soins Adapatés, des Unités à Hébergement Renforcé. Au final de cette évolution des institutions, nous nous trouvons en présence d’une offre de service clivée avec d’un côté le maintien à domicile et de l’autre la prise en charge institutionnelle totale : le tout domicile ou le tout dépendance. Ce clivage tend à mystifier le maintien à domicile qui serait le seul lieu possible du bien vivre et à diaboliser l’Ehpad qui serait un mouroir où se multipliraient, preuves médiatiques à l’appui, des actes de maltraitance.
Dans ce contexte, des ouvertures se cherchent pour recréer les conditions d’un accompagnement plus adéquat des parcours de vie des personnes âgées et imaginer des réponses plus ajustées à l’évolution des besoins liées à l’évolution de la dépendance : baluchonnage, accompagnement global à domicile (soins + aide), domotique, foyers résidentiels, cohabitations séniors, béginage, résidences services, résidences sociales intergénérationnelles, etc.
Le risque que ces solutions intermédiaires font courir aux Ehpad, c’est de les renvoyer un peu plus vers les extrémités de la vie. L’avenir de ces établissements de plus en plus médicalisés, serait d’être l’ultime lieu de la fin de vie, hyperspécialisé en accompagnement palliatif. Cette perspective n’est pas satisfaisante. Elle entretient les logiques de ruptures entre les espaces et les temps de vie alors qu’il est urgent d’intégrer la dernière période de l’existence comme un temps de vie à part entière, articulé aux autres espace-temps sociaux.
Une piste pour échapper à cette ornière consiste à penser l’Ehpad non comme une structure à part mais comme un plateau d’offres où s’articulent et se complètent des prestations diversifiées. Ce « plateau technique » – qui est d’abord un « plateau de relations » – propose des modalités plurielles d’accompagnement depuis le domicile jusqu’à l’institution, permettant des allers/retours, des essais/erreurs et des expérimentations mixant des solutions (domicile + accueil temporaire + visites nocturnes + accueil de jour…). Selon ce projet, la prise en charge n’est pas l’entrée dans une filière qui, de structure en structure, va du plus léger au plus lourd, du mieux au pire, mais un accompagnement souple et adaptable qui tient compte des besoins et de leur évolution jamais linéaire.
Cette ouverture des Ehpad vers une réelle diversification est une façon de les réintégrer pleinement au cœur de la vie sociale, d’en faire de véritables « quartiers dans la cité ».