Concurrence sauvage en Maine et Loire
Le Conseil Départemental du Maine et Loire, souhaitant mieux adapter l’offre des établissements de protection de l’enfance aux besoins évalués, a lancé, en 2016, un appel à projets pour l’ensemble de la capacité d’accueil existante. Ainsi des associations se sont trouvées contraintes de se porter candidates sur les places qu’elles gèrent déjà. Le prix plafond fixé à la place par l’appel est inférieur au tarif moyen existant actuellement dans le département. Au terme de la procédure, les résultats étant publiés en avril 2017, toutes les associations n’ont pas été retenues et certaines voient leur avenir sévèrement menacé par la fermeture des établissements et services qu’elles gèrent actuellement.
Ce grand coup de balai menace plus d’une centaine de postes d’après ce que dénoncent les syndicats. Les responsables associatifs envisagent d’engager des procédures… ou de déposer le bilan, les fédérations se mobilisent et interrogent la légalité du stratagème d’un Conseil Départemental dans la manière de gérer les évolutions. . En réponse, le Département indique qu’il accompagnera les associations en difficulté, sans garantir pour autant la reprise des salariés débarqués par les heureux élus de ce nouveau marché. En effet, la méthode employée, dont la légalité est discutée, évite l’application de l’article L.1224-1 du Code du Travail.
Nous assistons là au paroxysme des effets de la concurrence qui déstructure les équilibres en place et précarise les acteurs. Des associations extérieures au département ont été retenues et vont donc s’implanter. Comment peuvent-elles justifier que leur appétit de développement tous azimuts les amène à menacer d’autres associations ? Comment le département peut-il justifier de rompre aussi violement des liens de partenariat anciens ? Comment les familles accompagnées et les enfants accueillis peuvent-ils comprendre ces grands mouvements qui ressemblent plus aux délocalisations industrielles qu’à un maillage local de solutions intelligentes ?
Pour le commanditaire qu’est le Département, ces questions ne semblent pas se poser : quand on n’est pas satisfait de son fournisseur, il suffit d’en changer, peu importe les conséquences humaines et sociales. Les effets de la logique marchande offrent là une photographie (malheureusement pas caricaturale) de l’évolution de notre secteur. Drôle de manière d’envisager sa responsabilité en matière de développement social des territoires.
Pour les associations qui ont gagné les appels à projet ces questions n’ont pas lieu d’être : l’activité sociale et éducative est un créneau de marché comme un autre et le jeu concurrentiel ne souffre pas d’états d’âme. Qui se soucie des effets de ce système sur la prise en compte des enfants à protéger ? Quelles sont les valeurs qui sont mises en avant par les associations d’action sociale pour répondre à cette dérive ? Comment peut-on imaginer l’engagement des personnels dans ce maelstrom privilégiant le mieux disant (si on se base sur la nécessité de réduire les coûts inclus dans l’appel à projet) à une philosophie politique prenant en compte le sens et l’accompagnement d’une population fragile. Comment prendre en compte les relations établies et les projets développés ? Usagers et professionnels seraient-ils assimilés à des marchandises dont la gestion administrative et financière serait la seule référence ?
Le devoir de vigilance devient urgent. La mobilisation politique de chacun doit constituer le rempart aux dérives d’une pensée totalitaire faisant fi des acteurs et de leurs compétences.