Adapter la société au vieillissement : Halte. Frontière !
Le projet de loi d’orientation et de programmation relatif à l’adaptation de la société au vieillissement de la population a été présenté au conseil des ministres en ce début juin 2014. Victime collatérale du dernier remaniement ministériel, cette loi est attendue avec impatience par les acteurs du secteur des personnes âgées.
Hélas, bien des espoirs sont d’ores et déjà déçus ! Malgré les revendications constantes des associations et des fédérations, ce nouveau dispositif législatif ne traite pas de la question de la perte d’autonomie mais de celle, plus spécifique, de la perte d’autonomie liée à l’avancée en âge. Il semblait à de nombreux acteurs qu’il fallait traiter ensemble les problématiques de dépendance liées à l’âge et celles résultant d’un handicap. Cette ambition aurait rejoint la grande idée de créer un 5ème risque relevant de la sécurité sociale. Ambition plusieurs fois affichée, toujours rapportée à des réponses d’opportunité ou conjoncturelles et donc reportée.
Assurer, par la solidarité nationale, toutes les conséquences de la dépendance, quelles qu’en soient les causes, ce serait réinvestir le projet d’égalité citoyenne et offrir, à nouveau, une réelle perspective au concept républicain de fraternité. Les valides cotisent pour les invalides, les riches pour ceux qui ne peuvent subvenir à leurs besoins : chacun abonde la caisse de solidarité selon ses moyens et chacun bénéficie de ses subsides selon ses besoins. Il serait bienvenu, dans le contexte de spleen républicain et de citoyenneté dépressive, de réaffirmer, en actes sonnants et trébuchants, l’horizon ouvert par la Tradition révolutionnaire française réactualisée en son temps par le Conseil National de la Résistance.
La voie ouverte par la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, du 11 février 2005, allait dans ce sens. Elle reprend à son compte la philosophie initiée par l’organisation mondiale de la santé considérant que la question des inadaptations est d’abord une question sociale, donc politique, avant d’être une problématique individuelle. L’inversion du paradigme affirme qu’il revient à toute société poursuivant un projet d’intégration et de solidarité pour tous ses membres de créer les conditions pour que chacun trouve sa place, se la voit garantir et puisse en jouir pleinement. Ainsi, il importe peu que la cause de la dépendance soit l’âge ou le handicap, que le handicap soit congénital ou acquis, qu’il résulte de la maladie ou d’un accident de la vie. Ce qui compte c’est la possibilité offerte à chaque personne de vivre dignement dans une société qui la reconnaît et lui assure des conditions adéquates d’existence avec et parmi les autres, mais aussi pour les autres.
Alors ? Pourquoi maintenir ce poste frontière à l’âge de 60 ans qui sépare le handicap du vieillissement ? (Pour illustrer cette question : il n’est qu’à voir la différence de traitement qu’il y a entre celui qui déclenche une maladie d’Alzheimer avant ses 60 ans et celui qui tombera dans les troubles de la désorientation après 60 ans) Pourquoi refuser d’assurer un cinquième risque ? Pourquoi ne pas prendre les moyens de financer les besoins de plus en plus pressants – et coûteux – des personnes dépendantes quelles qu’elles soient ?
Bien du chemin reste à parcourir pour abolir les barrières douanières de la solidarité !