Droit des usagers et démocratie locale
I - Les modes de constructions et de représentations des problèmes sociaux.
Jusqu’à ces années récentes, les usagers subissaient surtout une relation dominant/dominé de la part, tant de l’Etat que des structures d’accueil. Le manque de représentativité et en l’absence de groupe de pression, les usagers se trouvaient soumis aux structures qui leur était imposées.
La reconquête de relation plus équilibrée s’est exercé à partir de « touches » législatives comme la création du conseil d’établissement pour personnes âgées dès 1978, la loi de 84 modifiant les rapports entre les familles et les services de la protection de la famille et de l’enfance, la loi de 86, dite « loi particulière », et la création des conseils d’établissements dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux en 1991. Si ces changements se sont exercés principalement à partir de la fin des années 1970 et des modifications profondes dans les conceptions de la redistribution des mannes de l’Etat, le rapport RCB en étant le déclencheur visible, le thème de la citoyenneté et donc du rapport de chaque citoyen à l’Etat en a été le principe unificateur des années 1980. Est-ce à dire que les transformations des rapports entre usagers et professionnels étaient souhaitées pour des raisons économiques ? Cela n’est pas si simple. Plusieurs paramètres se conjuguent pour créer une dynamique de changement : les éléments économiques, les évolutions sociales, les modifications progressives des rapports entre l’individu et l’Etat et les éléments politiques.
Progressivement, la position des usagers vis-à-vis des actions menées à leur endroit, s’est vue modifiée dans les rapports avec les professionnels.
Meilleures connaissance d’éléments du droit, informations largement diffusées dans le champ médiatique, apport non négligeable de la libération de la parole autour du thème du handicap, ont constitués un glissement dans les places et les capacités d’interpellation. D’individu passif, l’usager a pris conscience de sa capacité à utiliser les moyens sociaux et médico-sociaux dans un rapport d’usage et donc à exprimer plus nettement ses attentes, voire à négocier les actions qui lui sont proposées.
II - Les principes d’action qui guident les normes, les programmes et les différents dispositifs ;
La publication de lois ou décrets accompagnent souvent (voire presque constamment) les changements dans un pays démocratique. Cependant les inflexions données par le pouvoir politique peuvent orienter sensiblement les rapports entre l’individu et l’Etat, à partir des conceptions du législateur sur la notion de liberté et sur celle de solidarité. Dès lors, les questions économiques dont chacun doit se sentir intéressé par son appartenance à la communauté nationale et en particulier, au système d’imposition et de redistribution dont il s’est doté, peut orienter les formes de réponses et d’utilisation des moyens redistribués. Ainsi la lecture des dernières années, des évolutions des rapports entre usagers et professionnels peut se lire au travers les mouvements du droit des usagers comme impulsion d’une responsabilisation politique de chaque membre de la communauté ou comme outil de contrôle visant à diminuer les coûts.
- L’orientation de cette participation vers une réflexion politique, sur la meilleure utilisation possible des moyens disponibles, vise à développer du débat entre tous les acteurs et à faire entrer la dynamique personnelle dans un rapport au collectif.
- Elle peut, par contre, développer un rapport marchand, renvoyant chacun à une gestion privée, en fonction de ses ressources, pour faire face à sa situation propre.
On voit, par là que le choix philosophico-politique va impulser fortement la création des outils relationnels entre les individus d’une même société.
Inverser les rapports de pouvoirs entre professionnels et usagers ne représente qu’un intérêt limité dans ce qu’il permet.
Transformer les rapports dans une forme de co-gestion des difficultés, des moyens à mettre en œuvre, et dans une réflexion commune à partir de la reconnaissance réciproque de la parole et des arguments de chacun, représente une autre dynamique, bien plus complexe mais aussi bien plus riche pour repenser les relations à instaurer. Ce respect de la particularité de chacun, des compétences des professionnels aux attentes des usagers, modifie profondément les actions possibles à mettre en place.
Il s’agit bien là d’un choix politique (quasiment idéologique) entre une orientation libérale et marchande (chacun peut selon ses moyens s’offrir telle ou telle prestation, compensée en tout ou partie par une aide complémentaire) et une conception dynamique et responsable, de sa place d’acteur appartenant à une communauté de vie.
Ainsi les dispositifs peuvent prendre des orientations de type, plateforme de services, répondant en terme de souplesse aux demandes exprimées, ou constituer une dynamique de débats incluant l’ensemble des acteurs. Ce choix d’orientation des principes relationnels au sein de la communauté de vie, modifie profondément les rapports qui s’instaurent.
III - Les jeux d’acteurs qui traversent ces deux premières approches et leurs enjeux.
Ouvrir à une démarche citoyenne les espaces de cohabitation, construire les outils nécessaires à partir des besoins repérés et des contraintes subies, semblent bien permettre la redistribution des cartes au sein des différentes structures.
Le balancier a donc inversé son mouvement. L’équilibre sera certainement difficile à repérer. Après la relation plutôt totalisante des professionnels sur les usagers, il se pourrait bien qu’une dynamique inverse soit constatée.
La désignation des interventions en termes de « prestations » pourrait ouvrir à cette dérive. L’école offre-t-elle des prestations ?
Les espaces de confidentialité se construisent dans le respect mutuel et la confiance qui s’instaure. Constituer une évolution vers l’autonomie de la personne revient à créer des espaces d’échanges prenant en compte de nombreux paramètres, entre désirs et besoins, entre exigences et contraintes.
Penser l’intervention dans ces interactions entre les différents acteurs revient à reconnaitre l’autre comme élément d’un tout, indispensable à l’équilibre global.
Penser l’intervention uniquement à travers le filtre de la satisfaction immédiate ne place pas chacun des acteurs dans ses responsabilités.
Questionner la relation qui s’instaure peut offrir une occasion de repenser les institutions en tant qu’espace démocratique. Cette démarche permet d’intégrer la dimension politique et implique la constitution de lieux de débats et d’affrontements de point de vue.
Elle nécessite le développement d’une pensée au-delà de l’intérêt individuel et ouvre des équilibres « « institutionnels » à une réflexion plus globale des intérêts collectifs.
C’est bien cette cohabitation, entre l’attente des usagers et la compétence des professionnels, qui doit se définir au plus près de l’intérêt de la personne.