Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire déclarait en 2004 (circulaire en application de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances – LOLF) : « Une nouvelle étape doit désormais être préparée : celle de la justification des crédits au premier euro. (…) La justification au premier euro est un outil d’explication des crédits soumis au vote du Parlement. Elle doit permettre d’établir un lien entre les crédits demandés et les déterminants de la dépense qui peuvent être soit physiques (nombre d’usagers, volume d’activité, superficie de bâtiments, etc.), soit financiers (déterminants d’une masse salariale, coûts unitaires de dispositifs d’intervention, etc.). » Nous assistions alors à la consécration – jamais démentie depuis – de l’évaluation quantitative des dépenses publiques engagées par l’État.
Ce « pilotage par les instruments » se révèle, à l’usage, en totale inadéquation avec la manière d’envisager les investissements de solidarité dans notre pays.
Comment justifier « au premier euro » les crédits engagés dans la protection des enfants en danger ? Alors que l’action éducative menée auprès d’eux et de leurs parents ne produira des effets réellement constatables qu’une fois que ceux-ci seront devenus adultes, intégrés à la vie sociale, devenus eux-mêmes des parents.
Comment justifier « au premier euros » les crédits qu’il faudrait maintenant mobiliser massivement dans la prise en charge de la dépendance liée au grand âge ? Surtout si on les évalue quantitativement au seul regard des personnes concernée dont l’avenir reste limité dans le temps alors que les effets produits touchent très largement au bien être des membres des familles et d’une société où il fera bon vieillir en toute sécurité malgré les aléas de l’existence.
Comment justifier « au premier euro » les crédits liés aux situations de handicap alors que ces actions dépassent largement les seules personnes pénalisées par leur situation en promouvant un environnement plus accessible, plus tolérant, plus ouvert aux différences qui forment le tissu social ?
Réduire l’analyse des investissements de solidarité à une comptabilité simpliste de recettes et dépenses ou de charges au regard de ressources toujours insuffisantes est un non-sens ! Pour l’avenir des solidarités dans notre pays, il est urgent de casser les indicateurs économiques actuels (ce fameux PIB déjà dénoncé par Patrick Viveret en 2002 dans son rapport « reconsidérer la richesse ») au profit de nouveaux indicateurs qualitatifs portant sur les effets induits, les impacts des actions, les incidences sur l’environnement des personnes, le bien-être et la qualité de vie des citoyens, etc.
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