L’utopie est cette île imaginée par Thomas More au XVIème siècle qui reste en permanence à l’horizon inatteignable de nos désirs humains de perfection et d’harmonie. La volonté d’un projet de société qui ne veut laisser personne sur les bords de son chemin n’est-elle pas une utopie ?
Oui si l’on considère que l’idéal d’une société offrant réellement une place à chacun est un but défini une fois pour toute et qui ne se modifie pas au gré de l’évolution des attentes collectives. L’ambition d’une société inclusive est alors conçue comme une forme établie, préexistante en surplomb de nos réalités, une entéléchie au sens aristotélicien du terme – c’est-à-dire une abstraction contenue en puissance dans l’ici et maintenant mais à laquelle nous sommes destinés, de la même façon que le chêne est l’entéléchie du gland.
Mais le travail social n’est pas une utopie si l’on considère que le projet de société n’est pas un absolu extérieur – ou supérieur – à nos contingences, qu’il est le fruit de nos débats, de nos disputes, de nos controverses. Dans ce cas, le travail social n’est pas une machinerie au service d’une performance finalisée par un objectif transcendant. Il devient un espace de délibération sur ce que nous entendons être le bien-être de tous, concept mouvant et éphémère appelé à se transformer au fur et à mesure que nous avançons sur le sentier incertain de notre devenir commun.
En conclusion, le travail social n’est pas un instrument au service d’un idéal à atteindre qui serait déjà totalement circonscrit. Il est un espace de débat permettant de mettre au travail une construction sociale à inventer ensemble.
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