- INTRODUCTION
Un service de placement familial est un système ouvert, puissamment interactif. Je voudrais, dans cet exposé, vous montrer que les schémas avec lesquels nous analysons habituellement les organisations de travail ne sont pas adaptés à la réalité qu’est l’accueil familial.
Penser les organisations en termes binaires – « ouvert/fermé », « dedans/dehors » – nous empêche de percevoir que tout organisme vivant est marqué par ses interactions avec son contexte. Je vous propose d’inverser le regard et de passer d’une vision autocentrée à une vision « par les seuils » pour mieux comprendre les organisations. En ce sens, un service de placement familial me semble être une « organisation du seuil » où des nœuds de significations plurielles s’articulent entre eux créant plusieurs centres à l’organisation. Cette prise de conscience du polycentrisme de l’organisation permet d’éviter de penser ses différentes composantes avec des délimitations closes mais par des frontières ouvertes facilitant l’échange. Cette démonstration, si j’y parviens, devrait éclairer la manière dont nous pouvons prendre soin de l’enfant en placement familial. En promouvant des espaces de travail ouverts qui articulent les fonctions, les positions, les rôles et les places, les différents regards et les logiques en présence. Organisation du seuil, un service d’accueil familial doit assumer la conflictualité inhérente à cette manière de prendre en compte les diversités qui le traversent.
- « OUVERT / FERME » – « DEDANS / DEHORS » : PENSER LES SEUILS
Tout organisme vivant est déterminé par la manière dont il organise son rapport à son environnement. Cela est vrai pour une plante, un animal ou une organisation de travail – y compris, donc, un service de placement familial. Ce rapport à l’environnement est conçu selon des modèles de pensée préexistants forgés par la culture qui impose des schémas dominants. Je voudrais ici opposer deux façons de se représenter l’organisation de travail particulière qu’est un service de placement familial.
- Du végétal à l’animal : l’inversion du système et ses conséquences
Francis Hallé, biologiste et botaniste, compare l’organisation des végétaux à celle des animaux et avance une hypothèse surprenante : La plante dispose son système digestif à sa périphérie. Ses feuilles absorbent et métabolisent la lumière, transforment l’énergie pour la croissance du végétal qui les porte. L’animal, c’est son hypothèse, peut être conçu comme une plante qui se serait retournée sur elle-même, enfouissant son système métabolique dans un tube digestif interne. Les conséquences de ce retournement sont considérables. Là où le végétal est en osmose avec son environnement, captant et transformant une énergie inépuisable et restituant à son milieu de vie des éléments qui l’enrichissent (photosynthèse, production d’oxygène et digestion de gaz carbonique, etc.), l’animal se trouve contraint de poursuivre ses proies en prédateur, de les absorber pour lui seul et de rejeter ses excréments, après un processus interne de digestion. La plante produit des éléments qui enrichissent le milieu, l’animal produit des déchets qui le polluent.
Le problème, c’est que nos organisations humaines ont été pensées non à partir du modèle végétal de synergie écologique mais de notre expérience animale. Nous les concevons comme des dispositifs fermés qui consomment l’énergie présente dans leur milieu de vie pour leur propre profit et ne se préoccupant ni du coût énergétique de ce fonctionnement égocentré, ni des conséquences environnementales de ce qu’ils produisent. Nous les considérons comme des organisations autocentrées.
Il en serait tout autrement si nous envisagions nos organisations humaines comme des plantes. C’est-à-dire comme des systèmes entièrement tournés vers l’extérieur, cherchant à multiplier les surfaces de contact avec leur environnement, développant le maximum d’échanges et d’interactions selon une dynamique écologique.
Selon cette perspective, l’attention de nos analyses ne se porterait pas sur l’interne de nos organisations de travail et d’action mais sur la périphérie, les seuils, là où le système interagit avec son contexte, là où les acteurs de l’organisation créent des liens et des échanges avec les autres acteurs de l’environnement.
C’est un changement de regard qu’il nous faudrait opérer.
- Du centre à la périphérie : l’inversion du regard
Passer du centre à la périphérie c’est juste un changement de point de vue. Il est utile de faire cette expérience qui consiste à décrire la même organisation selon ces deux points de vue :
- Une première description, autocentrée, mettra l’accent sur la densité centrale de l’organisation. On s’intéresse alors à la direction, à l’équipe dirigeante, aux instances de coordination et de contrôle, au bureau ou au conseil d’administration dans le cas des associations, au système hiérarchique pyramidal, aux volumes traités (en placement familial le nombre d’enfants accueillis), au nombre de salariés, au chiffre d’affaire, à la couverture géographique, etc. : tous éléments quantitatifs qui donnent des indications sur le stock matériel, physique, de l’organisation.
- Une seconde description, selon une vision périphérique de l’organisation, s’intéressera aux espaces d’échanges et d’interactions, aux énergies de travail qui traversent tous les niveaux du système, aux lieux divers et variés qui contribuent à donner sens à ce qui se fait et à structurer l’action, aux positionnements diversifiés des acteurs (internes et externes) qui facilitent les processus actifs, etc. : tous éléments qualitatifs qui mettent en valeur les dynamiques réellement à l’œuvre et qui dépassent les aspects formels de l’organisation pour la concevoir comme une « organisation du seuil ».
Dans les deux modes de description utilisés, c’est bien de la même organisation qu’il s’agit. Simplement, le choix de porter le regard d’une façon ou de l’autre modifie la perception que nous en avons et, ce faisant, modifie la manière de penser et de comprendre l’organisation de travail, d’agir sur elle, de lui fixer des perspectives. Par exemple, selon une vision autocentrée, la fonction de direction aura tendance à être appréhendée selon un modèle plutôt autoritaire, le but étant que tous les acteurs aient les mêmes comportements : c’est l’uniformité qui prévaut. Selon une vision « par les seuils », la fonction de direction sera plutôt pensée comme valorisant la variété des acteurs invités à exprimer leurs singularités dans des espaces de travail pluriels : c’est la richesse des diversités et des échanges qui prévaut.
- Un service de placement familial est une organisation du seuil !
Il me semble qu’un service de placement familial est, par excellence, une « organisation du seuil ». On peut toujours tenter de le décrypter avec les lunettes classiques de l’entreprise autocentrée mais, d’expérience, cela ne coïncide pas bien avec ce qui fait la réalité quotidienne de ces services. Pour ne prendre que quelques exemples :
- Professionnels à part entière, les assistants familiaux se situent aux confins de la professionnalité car ils investissent des dimensions d’action, au cœur de leur famille, qui ne sont habituellement pas celles d’une posture professionnelle.
- Les débats récurrents et particulièrement présents dans ces journées nationales quant au vocabulaire commun à utiliser montrent bien comment des logiques différentes se confrontent et ne permettent pas une approche univoque des faits autour d’une sémantique uniformisée.
- Le système hiérarchique adopté – très divers selon les services – et notamment la place de l’éducateur par rapport à l’assistant maternel et de ce dernier par rapport au chef de service et au directeur atteste de l’impossibilité d’une simple lecture pyramidale.
Je pense qu’il y aurait des effets très vertueux à appliquer une lecture « par les seuils » des organisations de placement familial permettant de mettre mieux en valeur ce que sont ces systèmes atypiques. Là encore, quelques illustrations que chacun saura prolonger :
- Le placement familial est une organisation diffuse, dont le « service » (les bureaux où sont les éducateurs) ne constitue absolument pas le centre. Il n’y a pas de centre, mais des seuils très divers qui s’agencent entre eux.
- En placement familial, l’articulation entre sphère privée et sphère publique est totalement recomposée selon des critères qui ne recoupent pas les lignes de partage ordinaires. Les notions de dedans et de dehors sont brouillées.
- De plus, les lieux des familles d’accueil sont, par excellence des lieux du seuil car ils sont en interface avec de multiples espaces qui « travaillent » la situation de l’enfant : cité, école, loisirs, famille, service, juge, relations, amis, administrations, etc. La famille d’accueil est une feuille comme pour la plante.
- Même la législation est spécifique : celle régissant la protection de l’enfance d’abord car elle repose sur cette violence légale qu’est le retrait de l’enfant de son milieu naturel de vie, celle du droit du travail d’autre part : les assistants familiaux ont un régime dérogatoire en ce qui concerne, notamment, la durée du travail. Ces spécificités législatives situent le placement familial aux limites, aux seuils, du droit commun.
- La question affective relève d’une problématique qui n’est pas celle des institutions éducatives habituelles. Qu’est-ce qu’aimer veut dire en accueil familial ? Sur quels seuils s’articulent ces multi-appartenances qui mettent en jeu des scènes affectives plurielles ?
- Survivance d’un mode très ancien de prise en charge des enfants, le placement familial croise de manière originale une tradition éducative et les nouvelles normes de la rationalité contemporaine. Cet « entre-deux » et ses déclinaisons cliniques et techniques créent des situations de seuil.
- DELIMITATIONS ET FRONTIERES DANS UNE ORGANISATION D’ACCUEIL FAMILIAL : VIVRE LES SEUILS
Si, à ce point de l’exposé, nous sommes d’accord pour dire qu’un service de placement familial est, intrinsèquement, une organisation du seuil, nous devons tenter maintenant d’en dégager quelques caractéristiques. Sans pouvoir être exhaustif, je vous propose trois pistes à explorer dans la suite de vos travaux : d’abord, un service de placement familial ne fait pas sens dans un rapport centre/périphérie mais dans une vision en réseau où de nombreux éléments interagissent entre eux autour du projet pour l’enfant ; ensuite, nous pouvons constater que ces nœuds configurent l’organisation de travail selon un modèle polycentrique et non centralisé ; enfin, cela suppose que les éléments du système ne soient pas séparés mais articulés, donc que les délimitations ne soient pas des clôtures mais des lieux d’échange, des frontières.
- Les nœuds signifiants de l’organisation de travail
Nous le voyons, un service de placement familial est un objet complexe qui ne peut être simplifié par une vision binaire des choses (dessus/dessous, dedans/dehors). Car c’est la complexité du système qui fait la richesse de l’accueil familial. Son efficience provient de cet imbroglio de liens, d’espaces, d’intervenants, d’affects, de cadres diversifiés et de références plurielles. Toute tentative d’opposer les éléments du système, de les séparer, de les ranger dans une case logique met à mal l’efficacité même du placement familial.
Selon une vision du seuil, les éléments du système ne s’opposent pas mais se combinent entre eux, ils ne sont pas figés mais toujours en mouvement les uns par rapport aux autres. Quelques illustrations :
- Les rôles entre famille de l’enfant et famille d’accueil sont particulièrement mobiles selon l’évolution du projet pour l’enfant.
- La mission confiée à l’assistant familial est en perpétuelle mutation, remise en cause au gré de l’évolution de l’enfant, interrogée au regard des analyses cliniques de l’équipe pluridisciplinaire, reformulée en fonction des changements de contexte, etc.
- L’articulation entre milieu d’accueil et milieu habituel de vie de l’enfant est très variable selon les moments et les situations.
Bref, rien ne s’oppose tout se combine, rien n’est fixé tout évolue. C’est bien pourquoi il est stérile à mes yeux d’analyser le placement familial selon une vision clivée (centre versus périphérie) ou en figeant les choses (place des uns et des autres définie une fois pour toute) ou encore en s’intéressant à la quantité plus qu’à la qualité (les éléments tangibles et objectifs que l’on peut comptabiliser au lieu des dynamiques subjectives à l’œuvre dans les interactions).
- Assumer le polycentrisme du placement familial
En fait, un service de placement familial est une organisation composite, formée de plusieurs centres qui se combinent entre eux et c’est précisément cette combinaison qui fait sens.
Il est intéressant de relire l’organisation d’un service en modifiant la cartographie simplement en mettant tour à tour, au centre, les différents éléments qui composent le système. Voilà ce que cela peut donner (mais cette tentative, forcément incomplète et inexacte selon les cas, est à parfaire et corriger par les acteurs eux-mêmes) :
- Si c’est le directeur qui est au centre, nous voyons s’organiser autour de lui les instances de gouvernance (pour une association le conseil d’administration, le bureau, le président…), les instances de travail (réunions institutionnelles, réunions d’équipe, synthèses…), les autorités qui confient les missions (conseil départemental, juge des enfants…), les instances représentatives du personnel, la structure administrative (organisme gestionnaire, direction générale…), les instances participatives des usagers (modalités de travail avec les familles, conseil de la vie sociale…), les procédures de travail (agréments, formations, évaluation, rapport d’activité…)…
- Si c’est l’éducateur – qui dans certains services est qualifié de « référent » – qui est au centre, les éléments articulés à partir de ce point nodal seront les enfants qu’il a en charge et les assistant familiaux qui les accueillent et avec lesquels il travaille, les lignes hiérarchiques dont il dépend et à qui il rend compte, le secteur géographique ou le cabinet du juge auquel il est rattaché, les fonctions spécifiques qu’il exerce dans le service (coordination, IRP…)…
- Si c’est l’assistant familial qui est au centre, seront alors mis en exergue sa formation et ses compétences, sa famille proche et élargie, son capital social et culturel, les voisins, sa position dans le service (ancienneté, fonctions représentatives…), ses activités et hobbys, ses analyses sur l’enfant, sa relation avec l’enfant et avec ses parents…
- Si c’est l’enfant qui est au centre, nous voyons apparaître d’autres éléments : parents, famille élargie, école, loisirs, services de soins, assistante familiale et sa famille…
- Nous pourrions compléter ces tableaux qui esquissent des représentations contrastées de la même réalité. Imaginez le schéma si c’est le psychologue qui est au centre, ou le chauffeur-accompagnateur, ou le juge des enfants (car, dans une organisation du seuil, tous les centres ne sont pas internes à l’organisation), etc.
Assumer ce polycentrisme – c’est-à-dire articuler ces visions différentes pour en dégager un image commune (un peu comme avec un kaléidoscope) – est la condition pour moi de tirer tout le profit de la diversité qu’est une organisation de placement familial, organisation du seuil.
- De la limite qui fait clôture à la frontière qui ouvre des porosités
Pour y parvenir, il nous faut nous départir de la tendance naturelle que nous avons à tout classer, cataloguer, trier-séparer-cliver. Les scientifiques ont jadis pensé que c’est en procédant ainsi que nous parviendrions à comprendre le monde. Aujourd’hui, l’approche systémique des phénomènes nous permet d’envisager des manières plus riches d’analyser. Il ne s’agit plus de classer mais de prendre conscience de la manière dont les éléments interagissent entre eux (par exemple, pour l’enfant, entre famille d’accueil et parents), il ne s’agit plus de cataloguer mais d’identifier la façon dont chaque acteur se situe et influence le système (par exemple l’incidence d’un enseignant qui noue une relation avec l’enfant sur l’acceptation, ou le refus, de sa scolarité), il ne s’agit plus de trier-séparer-cliver mais d’associer selon un principe de rétroactivité – c’est-à-dire selon le fait que chaque élément du système est conditionné par les autres et conditionne les autres – (par exemple analyser la manière dont la pensée produite par la transdisciplinarité des espaces de travail agit directement sur la problématique de l’enfant et de sa famille).
Ce dont il s’agit, c’est de rendre poreuses les délimitations classiques de toute organisation afin de faciliter les échanges et les interactions, c’est-à-dire de transformer les clôtures en frontières. Car contrairement aux idées reçues, la frontière n’enferme pas, elle est le lieu qui permet l’échange, l’entrée et la sortie. Repère topographique de l’organisation, la frontière n’exclut pas mais permet de se situer tout en échangeant.
- CONCLUSION : ACCUEILLIR ET PRENDRE SOIN
J’ai conscience que mon propos vient d’enfoncer des portes déjà ouvertes, de redire ce que sont les fondamentaux du travail en placement familial. Mais mon ambition n’était pas d’apporter des nouvelles idées. Elle était plutôt de vous suggérer une grille de lecture de vos organisations professionnelles plus adaptée à ce qui se passe que les modèles classiques d’analyse des entreprises : de passer d’une vison auto-centrée à une vision exo-centrée, de déplacer la focale du centre au seuil.
Ce changement de regard peut peut-être permettre de faciliter un peu la manière de prendre soin des enfants confiés, de créer les conditions pour les « aimer de tout notre care ».
- Des espaces de travail ouverts
Une organisation du seuil repose sur des espaces de travail qui ne sont pas empilés selon une logique pyramidale mais articulés entre eux, ouverts à leur environnement. Plus nous parviendrons à animer des espaces de travail ouverts, plus nous aiderons nos systèmes professionnels à mettre leurs feuilles à l’extérieur, à ressortir leur système digestif des tubes dans lesquels nous les avons enfermés à l’intérieur de nos dispositifs. Accroître les surfaces de contact des organisations avec leur environnement signifie, pour un service de placement familial, d’ouvrir les lieux où se met en actes le projet pour l’enfant, de les faire échanger entre eux, d’augmenter leur capacité à interagir.
Vous comprendrez que cette conception de l’organisation pose la question de la séparation qui est pourtant, au moins en protection de l’enfance, la raison d’être du placement familial. Si nous parlons de porosité entre les espaces et les lieux, d’interaction, de contacts avec l’environnement, nous ne pouvons plus défendre l’idée de séparation de la même manière. Ce sont ainsi toutes les délimitations de l’action qui sont interrogées : entre le lieu de la famille d’accueil et les parents, entre les missions de l’assistant familial et celles de l’éducateur référent, entre les cadres hiérarchiques et les acteurs dits « de terrain », entre le service de placement familial et ses partenaires, etc.
Mon propos n’abolit pas les différenciations de places, de rôles, de fonction, de position ou de lieux. Il tente de les éclairer différemment en prenant acte – parce que toute organisation se fait par ses seuils – que de gré ou de force, tous ces éléments font système, interagissent entre eux, se structurent réciproquement. C’est là qu’est le changement du point d’analyse de nos organisations de travail.
- Une conflictualité positive
Mais vouloir inverser le système – remettre les feuilles dehors – et donc changer de lunettes – passer du centre au seuil – pour prendre conscience qu’un service de placement familial est une organisation du seuil, articulant plusieurs nœuds signifiants entre eux selon un dynamique polycentrique qui organise le terrain par des délimitations qui favorisent les échanges a des conséquences qu’il convient d’évaluer.
La première de ces conséquences est qu’il est plus apaisé de séparer que d’articuler. Mais chacun le sait, si les choses sont clivées entre les uns et les autres (l’éducateur seul garant du projet, l’assistant familial seul pour les soins quotidiens, le psychologue seul pour la prise en charge thérapeutique, le directeur seul pour décider, etc.), ça ne fonctionne pas.
Penser le placement familial comme une organisation du seuil suppose d’assumer la conflictualité des rapports que fait naître la porosité des frontières. Si la famille d’accueil et les parents de l’enfant ne se parlent pas, on évite tout conflit, mais on ne travaille pas ce qui s’échange entre ces deux espaces de la vie de l’enfant. Je dis ce qui s’échange parce que l’enfant va de l’un à l’autre et crée donc cette porosité qu’il serait sans doute plus simple d’ignorer mais qui vient sans cesse se rappeler à nous.
Travailler les seuils, les lieux où interagissent les éléments c’est gérer de la conflictualité. La conflictualité n’est pas le conflit. Dans un conflit, il y a la volonté d’éradiquer l’autre, ce qu’il est, ce qu’il représente ou ce qu’il dit. Dans la conflictualité il y a simplement le frottement que les différences suscitent naturellement. La conflictualité, c’est l’art de faire ensemble avec nos spécificités, mais, à travers ce processus relationnel, de se reconnaître avec ce qui nous sépare et ce qui nous réunit.
Travailler ce qui nous sépare et ce qui nous réunit, c’est peut-être cela « l’art du care »…
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