Introduction :
- La recommandation européenne :
- La recommandation du comité des ministres du Conseil de l’Europe
C’est la recommandation du Comité des ministres de février 2010 qui a mis le feu aux poudres. Elle annonçait : « Chaque fois que cela s’avère possible, la scolarité et la formation professionnelle des enfants devraient se dérouler, à tous les stades de leur éducation, dans les établissements fréquentés par les autres enfants. » Les établissements médico-sociaux s’adressant aux enfants y ont vu une menace pour leur avenir. Effectivement, cette orientation est à interpréter comme une remise en cause des établissements d’éducation spécialisée destinés aux enfants handicapés. Ils ne semblent pas s’être suffisamment adaptés aux évolutions, sont restés trop fermés sur eux-mêmes et seraient un facteur de marginalisation des jeunes qu’ils prennent en charge. Cette critique occupe sans doute l’esprit des décideurs. Mais cela ne permet pas de sombrer dans une dénonciation primaire selon un réflexe purement défensif. Essayons de mieux comprendre d’où vient cette injonction à la désinstitutionnalisation.
- 1°) La désinstitutionnalisation psychiatrique
Il convient de rappeler que la désinstitutionnalisation prend historiquement racine, en Europe mais aussi sur le continent américain, dans la volonté de mettre un terme à la chronicisation des malades psychiatriques. Fondée sur le respect des droits des personnes et la perspective de permettre à chacun de prendre en main son destin (empowerment), la désinstitutionnalisation a permis la sortie des patients de l’hôpital ou de l’asile. Etendue à la problématique du handicap, la désinstitutionnalisation affirme le droit de tous à vivre dignement, avec les autres, dans la société. Nous ne pouvons, selon cette lecture, réduire les analyses à une dénonciation pure et simple de ce mouvement.
- 2°) Une vision néolibérale des rapports sociaux
Cependant, cette source historique ne doit pas occulter qu’aujourd’hui, dans le contexte européen, la désinstitutionnalisation est pensée selon une visée néo-libérale. Elle est le symptôme de la méfiance des acteurs économiques à l’égard de toute organisation qui pourrait perturber le bon fonctionnement d’une société de marché. L’institution, si elle n’est pas strictement nécessaire, menace le principe d’une libre concurrence non faussée entre les acteurs économiques. Le principe simple qui prévaut est qu’il faut le moins d’intermédiaires possible entre le consommateur et le fournisseur. Le néolibéralisme plaide pour un Etat en retrait, le moins intervenant possible afin de laisser le plus libre les échanges de gré à gré. Selon cette perspective, l’organisation française du secteur du handicap avec ses commissions d’orientation, ses financements spécifiques, son contrôle par des agences, son organisation à distance des lieux de droit commun en fait un système d’exception qui fausse totalement le jeu du marché. Ce dispositif, notamment, préserve des niches qui ne correspondent pas aux exceptions tolérées par l’Europe en matière de services sociaux d’intérêt général.
- La place des familles dans les établissements sociaux et médico-sociaux :
- Impact majeur de la loi 2002-2
En quoi cette orientation européenne impacte-t-elle la place des familles dans l’action sociale et médico-sociale ? En fait, cette recommandation fait écho aux orientations déjà impulsées par la loi rénovant l’action sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002. Quelle est la philosophie qui inspire le Code de l’Action Sociale et des Familles ? Le droit commun ! Tout concoure à ce que les usagers disposent des mêmes droits que tout autre citoyen. La loi leur ouvre ainsi un droit absolu au respect de leurs libertés fondamentales telles qu’elles sont garanties dans le Code Civil, un droit à l’information, une liberté de choix et d’avis sur les prestations, la possibilité de participer à la vie et au fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux et toute une série de droits de recours. La loi 2002-2 n’engage pas une désinstitionalisation mais engage une nouvelle manière de faire institution, d’autres modalités de fonctionnement.
- 1°) L’émancipation des usagers, et la promotion de leurs droits
C’est donc dans un contexte profondément remanié que se pose aujourd’hui la question de la participation des familles. Là où une conception, sans doute archaïque, de l’institution plaçait les logiques professionnelles dans la protection des enfants (qu’ils relèvent d’ailleurs de la protection de l’enfance ou du champ du handicap), il s’agit maintenant de « faire avec » les parents selon un principe de « co-éducation ».
- 2°) La libéralisation de rôles sociaux
Mais cette tendance n’a pas que des vertus. Elle tend à convoquer les usagers et leurs familles sur de nouvelles responsabilités alors même que ce sont leurs fragilités ou leurs insuffisances qui justifient l’intervention de travailleurs sociaux. Il ne faudrait pas que la promotion d’une « citoyenneté de plein exercice » des usagers ne revienne à les mettre en échec parce qu’on leur demanderait d’assumer ce qui est au-dessus de leurs forces.
.1. Désinstitutionnaliser ?
- De quelles institutions parlons-nous ?
Tout d’abord, il faut préciser : quand on parle de désinstitutionnalisation, de quelles institutions parlons-nous ? L’histoire du travail social est marquée par des formes particulières d’institution identifiées à l’enfermement et aux vertus de la contrainte en éducation. A l’âge classique, l’institution par excellence, c’était l’hôpital général et le grand renfermement identifié par Michel Foucault. Dans l’entre-deux guerres il y avait les colonies pénitentiaires (Gaillon), puis les bagnes d’enfants qui ont subsisté bien après la seconde guerre mondiale (Mettray, Belle Île en mer). Mais le modèle de l’institution asilaire dénoncé par Goffman est restée une matrice qui a marqué, encore tout récemment, des formes d’organisation (je pense ici aux Centres Educatifs Fermés).
En fait, le point commun de ces organisations est leur caractère stigmatisant. Ce sont des lieux de mise à l’écart. Cela se trouve justifié par un discours motivant le besoin de traitement spécifique, la nécessité de protection, etc. Même légitime, ces institutions sont marquées par une distinction, une ségrégation… de là à les considérer comme des lieux de relégation…
- L’effritement des programmes institutionnels
François Dubet a identifié « le déclin de l’institution ». Les formes instituées qui supportent notre société se délitent. Ce qui constitue leur programme s’affaiblit sous l’effet d’une remise en cause générale des formes organisées et contraignantes des organisations sociales. Nous assistons à la remise en cause des évidences. Les grandes institutions (armée, justice, Eglise…) ne sont plus légitimes en elles-mêmes, elles doivent prouver leur utilité. Elles doivent être performantes. C’est ainsi qu’elles sont mises en demeure de prouver que ce qu’elles produisent revêt une efficacité : que l’armée défend pertinemment nos intérêts nationaux (Cf. les débat autour des engagements français en Irak ou au Mali), que l’institution judiciaire ne produit pas d’erreurs judiciaires (Cf. l’affaire d’Outreau), que l’Eglise catholique gère correctement l’aspiration au sacré (Cf. le choc des religions avec l’Islam).
Cet effritement des légitimités institutionnelles fragilise les organisations du travail social. Elles ne se justifient plus par leurs fondements historiques ou caritatifs. Elles doivent prouver la qualité des prestations qu’elles délivrent avec force d’évaluations, de démarches qualité et de réponses à des appels à projets. C’est donc un nouvel horizon qui se dresse devant les établissements sociaux et médico-sociaux qu’il leur faudra investir.
- Le droit commun contre la discrimination
Pour comprendre comment ces institutions peuvent s’engager dans ce nouveau paysage de l’action sociale, il leur faut d’une part assumer une critique éclairée de ce qu’elles furent et d’autre part dresser une perspective vers ce qu’elles deviendront. La voie ainsi tracée va de la stigmatisation au droit commun, comme nous y invite la philosophie de la loi 2002-2.
Pour éclairer ce chemin, il n’est qu’à aller voir la manière dont la loi de 2009 relative au handicap a inversé le paradigme. Là où il était question de « personnes porteuses d’un handicap », il convient désormais de parler de « situation de handicap ». Le désavantage lié à un problème physique, mental ou psychique est socialisé. Car dans la visée d’une société intégrative, il revient à la responsabilité collective de compenser la situation de chacun pour faciliter l’accès de tous aux droits de tous. Cette inversion est significative d’une révolution du statut personnel dans les rapports collectifs. Chacun a les mêmes droits que tous et c’est l’effort collectif qui doit les garantir. Tout dommage porté par la société à une personne porte atteinte à l’intérêt collectif.
La référence ultime est l’universalité des droits, personne ne doit en être écarté quel qu’en soit le motif. Cela reconfigure radicalement la posture des institutions. La question ne porte plus tellement sur la légitimité intrinsèque de l’institution mais sur ce qu’elle permet de l’accès de chacun au droit commun et aux principes de leur universalité.
.2. Réinstitutionaliser ?
- Faire institution autrement
Il ne s’agit donc pas de désinstitutionnaliser au sens primaire du terme mais plutôt de refonder un nouveau programme institutionnel, de faire institution autrement. Le défi qui se présente aux organisations du travail social est bien d’inventer des lieux du « vivre ensemble ». Et le premier principe qui prévaut à cette refondation est la participation.
Nous avons identifié que la co-construction est un processus introduit par les évolutions législatives de ces dernières décennies. L’institution refondée sur de nouvelles légitimités doit être en mesure d’associer toutes ses parties prenantes. L’institué n’est plus donné de l’extérieur par une validation méta-sociale, il émerge de l’instituant, de la manière dont les personnes concernées font ensemble, construisent ensemble, négocient ensemble.
Finalement, cette institution désintitutionalisée et réinstitutionalisée autrement – c’est-à-dire débarrassée de ses scories issues d’un autre temps et réinvestie par des valeurs démocratiques – devient une sorte de petit « laboratoire du vivre ensemble ». Des personnes de statuts différents, diversement positionnées dans le jeu social, porteuses de points de vue distincts, marquées par des intérêts spécifiques, forment un ensemble organisé qui porte un but commun, au service de ses membres. Cet espace social inédit, tout à fait particulier au champ du travail social, participe à la construction sociale. Il manifeste, à son échelle mais sur un mode très opérationnel, une volonté de faire société. IL participe ainsi à la transformation sociale, à l’avènement d’une société plus juste, plus équitable, plus intégrative.
- Penser des « organisations du seuil »
Cette perspective suppose de repenser à nouveaux frais les organisations qui portent les actions sociales et médico-sociales. Il nous faut quitter la vision égocentrique des institutions. Cette vision est obnubilée par le centre du dispositif. L’instance centrale tend alors à s’hypertrophier au détriment des lieux de l’action générant des logiques de contrôle endémiques et appauvrissant la périphérie de l’organisation pour alimenter le besoin énergétique du centre. Cette conception égocentrique de l’institution génère un rapport concurrentiel à l’environnement entraînant une perception du milieu où elle évolue comme un monde hostile qu’il faut dominer. Beaucoup d’énergies sont alors consacrées à la délimitation des frontières de l’organisation. La limite dedans/dehors devient une condition identitaire essentielle. Le but étant d’étendre indéfiniment la surface couverte par le dispositif selon la seule voie du grossissement du volume d’activités (nombre de salariés, chiffre d’affaire, nombre d’établissements et de services).
A ce modèle, l’institution réinstitutionalisée doit opposer une vision plus liminaire de son organisation. C’est le seuil qui fait centre, la périphérie qui donne sens à l’organisation qui est alors envisagée comme un système où tous les éléments sont en interaction tant à l’intérieur qu’avec l’environnement. Il n’y a plus un centre unique mais une organisation polycentrique qui décentralise ses compétences selon un principe de subsidiarité. Il n’y a plus une hiérarchie unique et centrale mais un système qui reconnait la pluralité des lieux de décision – une polyarchie – selon une dynamique de délégation et de transfert de compétences. Le rapport à l’environnement est déterminé par une relation de respect au territoire. L’organisation du seuil se conçoit comme agent de développement local. Sa fonction est d’enrichir les lieux où elle agit. Elle lie son destin au territoire au lieu de le considérer comme une simple ressource à exploiter. Ce rapport écologique à l’environnement se vit dans toutes les dimensions de son fonctionnement : développement durable, modèle économique social et solidaire, gouvernance démocratique. Ce qui alimente essentiellement cette dimension du rapport à son contexte, c’est la dynamique de réseaux dans laquelle s’inscrit l’organisation du seuil. Elle n’agit pas seule, son avenir dépend de l’avenir de ses partenaires, son renforcement suppose le renforcement des autres. Elle s’interdit de faire seule ce qu’elle peut faire avec d’autres.
Dans ce contexte, comment concevoir la participation des familles ?
.3. Penser une organisation co-éduquante[1] :
L’institution réinstitutionalisée avec les familles est donc une organisation du seuil qui fait de l’ouverture son principe fondateur. C’est ce qui lui permet d’être une organisation co-éduquante.
- Ne plus penser en « cases » mais en parcours de l’enfant
Pour être une organisation co-éduquante, il faut ouvrir des espaces partagés d’expériences relationnelles diversifiées. Il s’agit donc de quitter la voie unique de la logique professionnelle pour diversifier les approches en enrichissant la visée professionnelle de l’acte éducatif par l’approche qu’ont les parents de l’éducation de l’enfant. Cela suppose donc d’introduire la famille de l’enfant au cœur des dynamiques institutionnelles.
Cette confrontation des approches parentales avec les éducateurs met en mouvement tout le processus éducatif. L’enfermement des pratiques dans des cases séparées (la case établissement / la case famille) cristallise l’action en la figeant dans des lieux. La co-éducation oblige à penser les choses en termes de parcours. Le jeune n’alterne plus sa vie entre des cases isolées mais est éduqué dans un parcours qui évolue sans rupture entre les différentes dimensions de sa vie, dimensions qui s’articulent et se coordonnent entre elles pour produire de la cohérence.
Cela suppose donc d’assurer la stabilité du cadre de vie, la continuité des liens pour et autour de l’enfant, avec lui. Ce qui émerge de cette confrontation des approches entre le cadre institué et le cadre familial, ce n’est pas un consensus où les uns auraient abdiqué devant les autres (si on raisonne ainsi, les professionnels ont peur de perdre leurs prérogatives et les familles ont le sentiment d’être englouties par la toute-puissance de l’institution), c’est un compromis qui résulte d’une délibération où chacun a fait valoir son point de vue. C’est la diversité des points de vue qui est éducative. L’enfant perçoit les différentes références qui lui sont proposées, il se situe entre elles, il est invité à prendre position. Ce n’est pas le clivage mais la compréhension des différences de positions qui garantit à l’enfant la continuité des liens, de liens pluriels qu’il sait alors identifier.
Cela suppose également de garantir la porosité des limites (dedans/dehors). Les lieux de vie de l’enfant doivent s’inscrire dans une continuité physique et temporelle. Des espaces hermétiques les uns aux autres génèrent du clivage. Cela implique, pour l’organisation d’action sociale, de s’ouvrir largement à une présence agissante des familles.
Il convient enfin de développer la souplesse, la fluidité des formes instituées. C’est la flexibilité de l’organisation qui permet de s’adapter à toutes ces dynamiques en présence. Or, le meilleur moyen de préserver la fossilisation d’une institution c’est d’évaluer de manière continue ce qu’elle produit, de développer une distance critique à son égard. Les parents doivent être associés à cette lecture critique de l’organisation. Pour ce faire, les instances prévues par le cadre législatif doivent être pleinement exploitées : Conseil de la Vie Sociale, processus d’évaluation…
- Repenser le positionnement éducatif
Penser une organisation co-éduquante suppose de réviser les positionnements éducatifs. La co-éducation entre parents et professionnels invite à réassortir autrement les compétences. Cela ne remet pas en cause les compétences professionnelles. Au contraire, en les situant clairement par une différenciation d’avec les compétences parentales et en les débarrassant par la même occasion des apories du pouvoir dans lesquelles elles se sont enfermées, nous procédons à leur réhabilitation. Sur un plan différent, il faut aussi réhabiliter la compétence de l’expérience des familles. La compétence de vie est irremplaçable. Elle ne relève pas des mêmes attributs que la compétence professionnelle mais elle apporte des dimensions que l’expertise ne peut appréhender de la même manière (affectivité, implication personnelle, passions et émotions…).
Cette confrontation des compétences se complète par la confrontation des compétences professionnelles. Il s’agit de passer de la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité, c’est-à-dire aller au-delà d’une simple juxtaposition des expertises pour les mettre en débat entre elles, créer des controverses qui ouvrent des débats et enrichissent les positions des uns et des autres, y compris des familles. Les pratiques sortent elles-aussi de leurs « cases » et s’inscrivent dans des dynamiques de parcours en acceptant de vivre une certaine conflictualité.
Un terme gagnerait à disparaître des organisations éducatives : éducateur référent. Tout dans cette expression nous ramène aux formes anciennes d’institution : un agent, dûment labellisé par l’institution, fait « référence ». Il symbolise, au point de rencontre entre l’institution et l’enfant, la toute-puissance de l’institution. Il fait référence parce qu’il sait, parce qu’il dispose de la puissance d’action de son institution. Dans le cadre d’une institution réinstitutionalisée avec les parents, il serait plus juste de désigner le positionnement de l’éducateur comme « coordonnateur de projet ». L’éducateur n’est plus celui qui a le pouvoir mais celui qui fait circuler le projet autour de l’enfant. Il ne confisque pas la place des parents mais introduit ceux-ci dans le cercle des compétences à mobiliser pour l’enfant. Il facilite l’échange, la dynamique de parcours. Ce faisant, le coordonnateur de projet ne s’approprie pas le projet de l’enfant. Cela permet de placer celui-ci comme acteur de son projet.
L’organisation co-éduquante ne s’isole pas dans une conception univoque des références éducatives. C’est l’approche plurielle qui la définit. Elle porte donc la préoccupation de laisser toujours ouverts les débats sur les conceptions de ce qu’il convient de faire, sur les références théoriques – nécessairement plurielles – qui sous-tendent les pratiques. Cela suppose d’inventer des manières de faire ensemble avec les parents selon une pluralité des pratiques qui est enrichissante pour l’enfant. Cette voie permet de prendre en compte les cultures particulières des familles, leurs histoires et leurs valeurs, leurs conceptions éducatives…
- Concevoir l’établissements social et médico-social comme un système ouvert
Pour compléter ce rapide portrait de l’organisation co-éduquante, outre qu’elle doit être une organisation du seuil (Cf. plus haut), elle doit également se construire comme une organisation incomplète. C’est le manque qui la caractérise, pas la complétude. Elle ne peut être une institution totale puisque, pour laisser un espace à investir aux parents, elle doit laisser des lieux vacants. C’est le vide qui permet de prendre sa place. Si toutes les chaises sont occupées, personne ne peut venir s’assoir autour du projet pour l’enfant.
Organisation manquante, l’organisation co-éduquante vit les coopérations comme la condition de sa réussite. Ces coopérations ne s’isolent pas dans le face-à-face parents-éducateurs. Elles s’ouvrent à d’autres références, d’autres intervenants, d’autres institutions. Il est alors question des structures de loisirs avec les animateurs, de l’école avec les enseignants, etc.
L’organisation co-éduquante est une organisation plurielle et plurivalente. C’est sa biodiversité qui en fait sa richesse. C’est parce qu’elle est biodiverse qu’elle constitue un terreau éducatif suffisamment riche pour apporter à l’enfant les nutriments éducatifs dont il a besoin pour grandir.
- Concevoir l’établissement social et médico-social comme organisation apprenante
Enfin, s’il est évident que travailler avec les parents est un moyen efficace pour lutter contre la fossilisation des certitudes, encore faut-il s’en donner les moyens. C’est le concept d’organisation apprenante qui peut éclairer ce dernier point de la démonstration.
L’organisation apprenante confronte les points de vue en se dotant d’espaces de mise au travail de son cadre référentiel. Il peut s’agir, par exemple d’espaces d’analyse des pratiques. Ces groupes de paroles concernent habituellement les professionnels. Nous pourrions imaginer que l’organisation co-éduquante propose aussi des espaces d’analyse aux parents. Pour aller encore plus loin, pourquoi ne pas imaginer des groupes d’analyse croisés entre parents et professionnels ?
L’organisation apprenante capitalise ses savoirs en ne clivant pas les savoirs savants et les savoirs issus de l’expérience. Elle est donc particulièrement congruente avec l’organisation co-éduquante qui croise les compétences des parents et des professionnels. L’enjeu est pour elle de trouver les moyens de capitaliser ce corpus. L’intelligence collective ne se limite pas à une compréhension croisée des faits elle doit aussi les élaborer afin d’en conserver les traces. L’organisation co-éduquante doit donc produire des traces. C’est la condition de sa reconnaissance – par les acteurs eux-mêmes et entre eux et par l’environnement – et de la transférabilité de son expérience.
[1] Cf . Dubreuil/Janvier : Conduire le changement en action sociale : mutations sociétales, transformation des pratiques et des organisations, ESF 2014.
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