Nous pouvons formuler autrement cette question : Jusqu’où pousser l’individualisation des accompagnements sans risquer de faire perdre au travail social sa référence à l’universalité des droits ? Les pratiques de plus en plus centrées sur la singularité de chaque personne constituent le socle de l’intervention sociale qui ne peut se réduire à quelques prestations standardisées ou uniformes. Mais en procédant ainsi, le travail social n’affiche plus des droits universels attachés à la personne humaine mais des traitements personnalisés étroitement liés à l’individu et à sa situation.
Comment alors défendre des principes éducatifs fondés sur les besoins invariants d’éducation de l’enfant devant des parents ayant des pratiques inadaptées ? Comment valoriser les vertus de l’inclusion par le travail à des gens très éloignés de l’emploi du fait de leur parcours de vie ou de leur culture ? Comment prôner les codes sociaux comportementaux devant des jeunes qui vivent de leurs petits business ? Etc. En effet, si nous radicalisons ce principe d’un accompagnement sur mesure qui tient compte d’abord des particularités de chacun, nous risquons de mettre de côté les repères communs qui fondent la possibilité de cohabiter harmonieusement dans l’espace social.
L’art de l’accompagnement social réside précisément dans cette tension entre l’affirmation de principes universels qui fondent le vivre ensemble et la reconnaissance de chaque sujet dans sa singularité. Maintenir cette tension, c’est refuser de faire du travail social soit un simple service à la carte qui se perd dans les méandres égotiques des intérêts personnels, soit un ensemble de dogmes théoriques hors sol qui à trop affirmer l’universel ne prend pas en compte ses implications concrètes dans la vie des gens.
Retrouvez toutes les informations à propos de Roland JANVIER sur la page à propos.